Le combat d’Henry Fleming[1] est une adaptation BD du roman The Red Badge of Courage de Stephen Crane (1871–1900). Mort à l’âge de 29 ans seulement, l’auteur américain est considéré comme étant le premier moderniste selon l’écrivain Paul Auster récemment décédé (1947-2024).

Ernest Hemingway (1899-1961) estimait aussi ce roman sur la guerre de Sécession est l’une des meilleures œuvres littéraires, qui sera d’ailleurs adaptée au cinéma en 1951 par John Huston.

Nonobstant l’importance de ce roman dans la littérature américaine, le dessinateur et scénariste Steve Cuzor n’a pas hésité à s’emparer du roman qui a été publié en 1895 par Stephen Crane, afin de le faire découvrir à certains, ou le faire redécouvrir à d’autres.

La guerre de sécession (1861-1865)

Une mise en contexte historique s’impose afin de de situer la période durant laquelle se déroulent les événements du roman. La guerre civile américaine a opposé le gouvernement fédéral des États-Unis d’Amérique rassemblant principalement des États situés au Nord (abolitionnistes), dirigés par le président des États-Unis Abraham Lincoln, contre les États confédérés d’Amérique au Sud (esclavagistes), dirigés par Jefferson Davis. On estime qu’il y eu entre 650 000 et 850 000 morts dans cette guerre fratricide qui a vu la victoire du Nord.

Henry Fleming : un jeune face à son destin

Nous sommes au États-Unis durant le printemps 1863. Henry Fleming, un jeune fermier de 18 ans a choisi de s’engager pour combattre les états confédérés. Au campement avec ses camarades du 304e régiment de l’armée nordiste, il attend le jour où il devra combattre.

Il est songeur. Il repense à ce que sa mère lui disait avant son départ pour le front : « Henry, ne fait pas l’idiot ! Je pourrais te donner des centaines de raisons pour lesquelles tu serais plus utile à la ferme que sur un champ de bataille » (p. 11).

Henry a quitté sa ferme natale pour servir sous les drapeaux. Mais était-ce le bon choix ? Il repense aux paroles de sa mère, qui n’a pas réussi à lui faire changer d’avis. Ces certitudes de départ sont malmenées par le doute le jour J. L’heure du combat a sonné !

Henry Fleming suit les ordres de ces supérieurs. Il avance en rangs serrés avec ses camarades en direction de l’ennemi. Alors que la bataille fait rage entre les deux camps qui enregistrent d’énormes pertes humaines, Henry réalise qu’il n’est que de la chair à canon dans un plus grand échiquier politique qu’il ne peut pas comprendre : « Damn ! Te voilà coincé par de chaque côté Henry. Aucune fuite possible (p.36). Je n’ai jamais voulu cette guerre-là, nom de Dieu! Pas comme ça (p.36). Qu’est ce qui nous attend derrière cette colline, Jim ? Ils nous mènent comme du bétail…c’est tout ce qu’on représente pour eux, juste des bêtes à  sacrifier (p.37). »

Ses sentiments sont embrouillés. Ressent-il de la peur ou du courage ? Il ne sait plus quoi faire.

La profondeur des dessins de Steve Cuzor

Ce n’est pas la première fois que Steve Cuzor réalise des œuvres en rapport avec les États-Unis où l’Ouest américain puisqu’il a publié auparavant Cinq branches de coton noir, XIII Mystery, Quintett, O’Boys et Black Jack.

Cette familiarité avec son sujet, il la doit à son histoire personnelle, en tant que passionné d’équitation et de rodéo, ayant vécu au Texas entre 1992 et 1994. En adaptant l’œuvre de Stephen Crane, il démontre sa maîtrise de la mise en page de ce récit, ainsi que les codes graphiques durant la guerre de sécession.

Le bédéiste nous entraine dans l’enfer de la bataille en compagnie d’Henry Fleming. Le bruit des canons et des balles fusent de partout. La poussière qui envahit le champ de bataille sème la confusion qui est perceptible dans les regards des personnages. Le bédéiste qui prend un certain plaisir à dessiner autant des personnages que des chevaux, nous amène à nous questionner à l’image d’Henry sur la finalité de la guerre qui provoque tant de cruauté.

Steve Cuzor nous entraîne habilement dans toutes les batailles que livre le personnage d’Henry sur le champ de bataille au point qu’il soit submergé de doutes et de questionnements.

Le choix des couleurs froides qui sont signées de la coloriste Meephe Versaevel, accentuent l’atmosphère dramatique dans cette BD dont la couverture est signée quant à elle de Tom Cuzor (fils de Steve Cuzor).

L’œuvre de 152 pages est à découvrir aux Éditions Dupuis dans la prestigieuse collection Air Libre, qui permet à des auteurs de proposer à travers le dessin, leur vision de la fiction au documentaire, en passant par la biographie, le drame, la comédie et la littérature.

Réda Benkoula

[1] Le combat d’Henry Fleming | Steve Cuzor (Scénario et dessins), (d’apres Stephen Crane) | Aire Libre | 2024 | 152 pages

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