Le roman de David Foekinos Le mystère Henri Pick[1] invite ceux qui ont eu du mal à se faire publier à ne pas perdre espoir puisque le désespoir peut être tragique, à l’image de ce que raconte l’auteur : « On pourrait citer un autre exemple emblématique : la conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole. L’auteur épuisé par la litanie incessante des refus, s’est suicidé en 1969, à l’âge de trente et un an. En exergue de son roman, avec une ironie prémonitoire, il avait inscrit cette phrase de Jonathan Swift : « Quand un vrai génie apparaît en ce bas monde, on peut le reconnaître à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui »[2]. Une bibliothèque consacrée à la réception de tous les manuscrits refusés par les éditeurs est devenue l’objet de toute une réflexion sur le concours de circonstance. Intitulé Les dernières heures d’une histoire d’amour ce roman du pseudo-Henri Pick a été publié et rencontré un vif succès. Seulement le journaliste Rouche doute de la plume de cet écrivain. En lisant la lettre adressée à sa fille, Henri Pick ne pouvait pas être l’auteur. Passant ses journées au restaurant en tant que pizzaiolo, il n’avait nullement le temps de s’atteler à l’écriture d’un roman. Gourvec, le fondateur de la bibliothèque des manuscrits refusés, en est l’auteur. Pourquoi alors mettre le nom Henri Pick sur son propre manuscrit ? David Foenkinos écrit : « La vie possède une dimension intérieure avec des histoires qui n’ont pas d’incarnation dans la réalité mais qui pourtant sont vécues »[3].
La réalité qui dépasse la fiction
Lire le nom d’un auteur sur la première page d’un manuscrit n’incite à aucune interrogation. Pourtant la réalité peut être tout autre si l’on cherche à aller vers le fond des choses. C’est ce que rapporte l’auteur de Le mystère Henri Pick : « Une preuve tangible que notre époque mutait vers une domination totale de la forme sur le fond »[4]. En effet, ce roman invite à scruter ce qui se cache derrière un écrit. Bien que refusé par les éditeurs, cela ne diminue en rien la qualité de ce que veut transmettre l’auteur. Les vers dans Eugène Oniéguine de Pouchkine sont rappelés dans le roman Les dernières heures d’une histoire d’amour :
« Celui qui vit, celui qui pense
en vient à mépriser les hommes
Celui dont le cœur a battu
Songe aux jours qui se sont enfouis.
L’enchantement n’est plus possible
Le souvenir et le remords
Deviennent autant de morsures
Tout cela prête bien souvent
De la couleur aux discussions »[5].
La bibliothèque des manuscrits refusés est une façon d’accorder de l’importance à ceux qui se battent pour être un jour publiés.
[1] Ed/Gallimard, 2016.
[2] Id, p.11
[3] Ibid, p. 271.
[4] Ibid, p. 137.
[5] David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, Ed/ Gallimard, 2016, p. 123.