Le 29 avril dernier, l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) a dévoilé dans sa 10e édition du revenu viable combien il faut gagner pour vivre décemment au Québec. Ce revenu qui permet à une personne seule de vivre hors de la pauvreté au Québec se situe désormais entre 30 738$ et 43 609$ selon les régions. Ce revenu varie entre 72 788$ et 86 585$ pour une famille de quatre. Le revenu viable selon l’IRIS renvoie à une rémunération après impôt qui permet d’acquérir un panier de biens et de services garantissant une vie hors de la pauvreté. À la différence de la mesure du panier de consommation (MPC), le revenu viable renvoie à un revenu qui représente un niveau de vie digne, au-delà de la seule couverture des besoins de base, précise Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’IRIS. Cet indicateur, développé en 2015 comme une alternative au seuil de pauvreté, comprend également des dépenses allouées aux vacances, aux sorties culturelles et aux économies pour faire face aux imprévus. Le revenu viable 2024 concerne trois types de ménages dans sept villes au Québec : Montréal, Québec, Sherbrooke, Gatineau, Trois-Rivières, Saguenay et Sept-Îles. À Montréal, le revenu viable 2024 a augmenté de 19,3% par rapport à 2023, en raison de la forte hausse des loyers estimée à 25%. Pour une personne seule vivant à Montréal, il faut un minimum de 38 478$ pour vivre dignement. Ce seuil s’élève à 81 999$ pour un couple avec deux enfants en garderie.
Revenu viable vs salaire minimum
Dans la théorie, un salaire minimum est fixé à un niveau permettant au salarié qui travaille à plein temps de s’affranchir de la pauvreté et de vivre dignement. Ce salaire augmente d’année en année pour s’ajuster à la hausse du coût de la vie. Au premier mai 2024, le salaire minimum au Québec a atteint 15,75$ l’heure, soit une hausse de 0,50$ du taux général. Cependant, cet ajustement annuel est-il suffisant pour mener une vie exempte de pauvreté ? En effet, au Québec et dans d’autres provinces canadiennes, les gouvernements ajustent le salaire minimum pour qu’il se situe à 50% du salaire horaire moyen. Cette manière de fixer le salaire minimum ne prend pas en considération le seuil de pauvreté, mais elle postule de permettre aux entreprises de mieux planifier les salaires qu’elles versent aux employés. Selon l’IRIS, un ménage sur quatre gagne un salaire inférieur au revenu viable, ce qui signifie que le taux de pauvreté est de 25%, un taux largement supérieur à celui avancé par le gouvernement du Québec (8%), basé sur la mesure du panier de consommation (MPC). Cet indicateur, élaboré par Emploi et Développement social Canada, est la mesure officielle de la pauvreté au Canada. Selon l’étude de l’IRIS, pour avoir un revenu qui permet de vivre hors de la pauvreté, une personne seule qui travaille à temps plein doit avoir un salaire horaire entre 20$ (Trois-Rivières) et 30$ (Sept-Îles).
Certes, la pauvreté est une réalité complexe et multidimensionnelle, ce qui rend difficile la définition de cette notion marquée par l’ambiguïté. Elle demeure relative et varie considérablement d’une situation à l’autre. Être pauvre au Québec se manifeste d’une manière complètement différente qu’aux pays du Sahel ! Vivre sans pauvreté au Québec ne signifie pas seulement couvrir ses besoins de base, mais aussi ne pas avoir les moyens d’aller au restaurant, de se permettre des activités culturelles ou de partir en voyage. Selon la loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (L.R.Q., c. L-7, art. 2), la notion de pauvreté au Québec dépasse les ressources économiques pour inclure les dimensions sociales et culturelles, ce qui rend caduque la mesure officielle de la pauvreté au Québec (MPC).
Sofiane Idir