L’auteur américain Jim Fergus a publié en 1998 son premier roman Mille femmes blanches qui a été traduit par la suite en français aux éditions Le Cherche Midi en 2000. L’histoire s’inspire de faits historiques pour nous faire voyager dans l’Ouest américain au cœur des vastes territoires de l’Amérique au sein de la nation Cheyenne.
Le point de départ du récit s’appuie sur la visite du chef cheyenne Little Wolf à Washington DC en 1873 (et non en 1874 comme il est indiqué dans le roman). Sur place, il rencontre le président Ulysse S. Grant. Si dans les faits, on ignore ce que les deux hommes ont évoqué, dans le roman on apprend qu’ils auraient scellé un accord qui stipule que mille femmes blanches seront échangées contre mille chevaux, dans le but de mélanger la nation amérindienne aux colons qui s’enfoncent toujours un peu plus loin dans les terres.
Cette fiction qui aborde sous forme de carnets intimes plusieurs récits, fait écho aux luttes des femmes pour leurs droits à disposer de leur propre corps.
Dans l’Amérique d’aujourd’hui où les minorités continuent de se battre contre les injustices sociales, cette œuvre permet de comprendre les difficultés auxquelles étaient confrontées les femmes dans la vie quotidienne.
Les auteurs
L’œuvre de Fergus qui s’étend sur plus de 400 pages a donc inspiré le scénariste est conteur Lylian Klepakowsky alias Lylian qui l’a adapté en format BD. L’auteur canadien qui réussit à traduire les émotions des personnages dans les histoires qu’il raconte, a déjà publié Magic, Les Géants, La Moïra. Auparavant, il a adapté en bande dessinée les œuvres littéraires de Pierre Bottero (Les Mondes d’Ewilan, Ellana).
Cette adaptation en images est rendu possible grace au travail d’Anaïs Bernabé qui a déjà publié plus tôt cette année en compagnie de la scénariste Véronique Cazot Le champ des possibles. L’illustratrice, réalise des dessins scintillants qui sont teintés d’une sensibilité que l’on perçoit à travers le regard de May qui porte en elle sa voix et celle des femmes en général.
La tragédie
Dans le premier tome de Mille femmes blanches[1], on suit le destin tragique de Dodd May qui est internée pour la simple raison d’avoir voulu vivre sa vie. Suite à la requête de sa famille, elle est conduite d’office le 1er mars 1873 au sein d’un institut pour dépravation et perversion sexuelle.
Pendant les deux années d’internement où elle subira les pires sévices, May ne cessera de penser à Harry son époux et ses deux enfants Hortense et William.
Au printemps de 1875, un médecin se présente à l’Institut et s’adressa aux femmes :
« Mesdames, comme certaines d’entre vous le savent déjà, je suis le docteur Benton. Vous avez été sélectionnées parmi les patientes de l’institut en vue de vous faire participer à un programme gouvernemental de la plus haute importance. Celles d’entre vous qui se porteront volontaires et qui, après un examen médical approfondi, seront jugées aptes à participer au programme…seront susceptibles d’être libérées. Bien entendu, le consentement plein et entier de vos époux légitimes et familles devra au préalable être obtenu par l’administration de l’établissement. Si vous remplissez toutes les conditions vous aurez la chance de servir les intérêts de votre pays » (page 24).
Quel choix peut avoir May, si c’est sa famille qui décide pour elle ?
Chose certaine, elle n’a qu’une idée en tête : sortir de l’enfer dans lequel elle a été condamnée pour suivre ce nouveau chemin qui s’offre à elle.
Tout au long du récit, May se réfugie dans l’écriture où elle livre ses états d’âme dans son journal intime.
À travers son témoignage accablant, on se rend compte du chemin que les femmes ont parcouru pour obtenir des droits qui ne sont pas totalement acquis. Le regard accusateur et les jugements sont monnaie courante à l’égard des femmes et ce, quel que soit la société.
Publié aux Éditions Dargaud, le tome 1 de Mille femmes blanches est disponible au Québec/Canada.
Réda Benkoula
[1] Mille femmes blanches T.1 : Un train pour la gloire | Lylian (Scénario) Anaïs Bernabé (Dessin), Hugo Poupelin (Couleurs) Dargaud | 2024 | 56 pages