Partout dans le monde, le harcèlement psychologique au travail constitue une préoccupation de plus en plus sérieuse pour les entreprises. Au Québec, la Loi sur les normes du travail (LNT) stipule qu’un employeur qui néglige la gestion du harcèlement en milieu de travail s’expose à des poursuites judiciaires pouvant mettre en péril les finances de certaines entreprises, en raison des coûts importants engendrés par une poursuite. Il n’est toutefois pas possible que l’employeur se retrouve derrière les barreaux comme c’est le cas en France.
Le Québec : réel modèle en matière de gestion de la violence au travail ?
Si le Québec dispose désormais d’outils de prévention et de sanctions en matière de harcèlement au travail, il n’en demeure pas moins que le nombre de plaintes demeurent somme toute, élevé. Serait-ce que le système instauré au Québec comporterait des lacunes ou devrait-il plutôt s’inspirer de nos cousins français, qui semblent connaître plus de réussite en la matière ?
Comme mentionné précédemment, au Québec, un employeur négligent s’expose à des poursuites devant les tribunaux, mais ne doit pas craindre la prison. Le succès de la France en matière de prévention et de contrôle du harcèlement en milieu de travail, réside dans l’effet de privation de liberté liée à un possible emprisonnement, faisant en sorte que les travailleurs et les employeurs font davantage attention, et dénoncent les harceleurs, puisque ne dit-on pas que qui ne dit mot consent. La loi française prévoit aussi, un volet prévention beaucoup plus imposant que celui de la loi québécoise.
Les victimes québécoises moins considérées que les victimes françaises ?
Il appert que la méthode instaurée en France fonctionne beaucoup mieux que celle instaurée au Québec, même si la prévention fonctionne dans une certaine mesure. Toutefois, les moyens établis semblent insuffisants. Même dans les pays offrant de bonnes conditions de travail et certaines indemnités pour les victimes, ces dernières réclament davantage de sanctions pour les comportements problématiques. Le harcèlement, n’est malheureusement pas synonyme de stress et de risques psychosociaux. Dans le harcèlement psychologique, la victime est atteinte dans son identité. Elle ressent de la souffrance, mais aussi, de l’humiliation et à l’instar des victimes d’agression sexuelle, elle éprouve un sentiment de culpabilité. Pourquoi la traite-t-on de cette manière ? Est-ce de sa faute ? Qu’a-t-elle fait pour mériter ce sort ? Si dans une situation de stress, on se sent las et fatigué, à éventuellement en tomber malade, la pathologie est toutefois, reconnue par la médecine. Cependant, en matière de harcèlement psychologique, les effets sont plus graves sur le plan de la santé, puisque ces derniers s’apparentent davantage aux effets du choc post-traumatique.
L’impuissance de la victime : Un facteur déterminant pour identifier une situation de harcèlement
Il faut d’abord, pour qu’il y ait une situation de harcèlement, la rencontre de trois critères, lesquels sont d’ailleurs, reconnus internationalement. Les gestes doivent être répétés et systématiques. Il ne doit pas s’agir seulement d’une maladresse. Également, on doit rencontrer une certaine forme de complémentarité, soit la présence d’un harceleur, un dominant, et une victime, soit une autre personne dans une situation d’impuissance. Finalement, tel que les lois internationales le mentionnent, le geste ne doit pas être nécessairement intentionnel. Cependant, il a été convenu, que tout geste entraînant la dégradation des conditions de travail peut être considéré comme du harcèlement. D’ailleurs, les gens qui harcèlent, ne se rendent souvent pas compte que leur conduite constitue du harcèlement, d’où l’importance de la prévention, et d’une éducation au respect de l’autre.
Un climat de terreur dans certaines organisations
Plusieurs entreprises ont pris conscience des coûts humains et financiers du harcèlement en milieu de travail. C’est pourquoi, elles ont axé leurs pratiques managériales sur le bien-être et la prévention de la souffrance, une stratégie qui fonctionne bien. Toutefois, on trouve dans certains milieux énormément de de contraintes et de pression, d’anxiété et un management incohérent voire même, pervers. On fait miroiter un code de conduite, n’étant toutefois pas, appliqué et on tient un double langage, alors que les salariés sont malmenés, jusqu’à l’épuisement. Puis, on les rejette de manière vicieuse en les culpabilisant et en leur faisant porter le fardeau du harcèlement dont ils sont victimes, leur laissant croire que ce sont eux qui n’ont pas su s’adapter. Cette façon de faire, peut malmener la victime à un point tel que sa santé physique et mentale en sera affectée, mais certaines situations sont si graves qu’elles peuvent éventuellement mener au suicide.
C’est aux victimes de cumuler des preuves
À partir du moment où les victimes sont conscientes qu’elles subissent du harcèlement, ces dernières peuvent commencer à cumuler des preuves. Les victimes doivent prendre des notes, de tout événement, la date, l’heure, le nom des témoins et ainsi que leurs réactions et ce, jour après jour. Il s’agit d’un processus pouvant être utile lors d’un témoignage en justice, dans un premier temps, mais aussi, pour assigner des témoins. Elles peuvent également sauvegarder les textos et courriels, ainsi que les affichages sur les réseaux sociaux. Dans des cas extrêmes, les documents de corps policiers, dans le cas de menaces de mort ou de voies de fait, ou tout autres organismes comme la Commission des droits de la personne ou un ombudsman, pourront servir à étayer la preuve.
Un problème de longue date
Le harcèlement a toujours existé, mais son dévoilement au grand jour s’avère une problématique du travail moderne. Autrefois, la présence de hiérarchies pyramidales avec un chef autoritaire semblait limiter les cas entre collègues. Toutefois, au fil des ans, beaucoup de comportements furent interdits et la violence psychologique s’est faite de plus en plus insidieuse et subtile. Si la violence physique est facilement visible parce que tout le monde la voit, détruire une personne de manière subtile, lui crier des injures et l’isoler est sournois. De même, plus la violence est sanctionnée, plus elle se fait perverse et discrète. Il s’agit d’une roue sans fin.
La jurisprudence, au secours des victimes ?
Les frontières du harcèlement continuent d’évoluer et continueront ainsi, en raison de la jurisprudence en matière de relations de travail. Si traditionnellement, le harcèlement avait surtout lieu entre deux personnes, ou groupes de personnes, il s’agissait surtout, de harcèlement individuel horizontal ou descendant. Au fil des ans, la violence psychologique envers les cadres est davantage manifeste. De même, la problématique élargit son spectre vers d’autres risques psychosociaux. Où se situe donc, la frontière entre des relations interpersonnelles tendues, les risques psychosociaux et la violence psychologique à proprement parler ? La question demeure.
Les victimes inégales devant la violence psychologique
Dans les textes de loi, il est prévu que des conseillers en prévention soient disponibles dans les entreprises de plus de 500 salariés et à l’externe pour les autres. Or, le défi est colossal pour les très petites entreprises et les OBNL qui ne disposent pas de grandes ressources financières. Les micro-entreprises et OBNL, pour la plupart, ne disposent pas de programme de prévention du harcèlement psychologique, en dépit que cela soit désormais obligatoire en vertu de la LNT. Les services de médiations sont également quasi inexistants et personne n’accompagne les victimes au cours du processus de plainte. Des comités de médiation interne, informels voire même, des consultants externes devraient être prévus afin non seulement d’aider la victime, mais également de guider les membres des comités.
Bref, si on peut espérer une certaine évolution en matière de prévention de la violence psychologique au travail, il n’en demeure pas moins, que cette situation demeurera toujours pénible pour celles et ceux qui en subissent les contrecoups.
Martine Dallaire, B.A.A.