Logement, emploi, allocations pour les parents isolés, parents et enfants en situation de handicap, la prise en charge intégrale ou partielle des frais de santé… La pauvreté est un terme global qui définit le fait de manquer de moyens pour subvenir à ses besoins, et elle est en hausse et les femmes sont les plus touchées.
Aujourd’hui, la privatisation croissante de nos existences sociales et l’individualisation des inégalités pèsent lourdement sur les personnes en creusant la différence entre celles qui réussissent et celles qui échouent. On parle alors de deux univers : celui élevé au degré du prestigieux et du privilégié et celui maintenu dans sa position inférieure et obscure, connotée à tort de façon négative.
Une enquête à long terme sur un bon nombre d’adultes indique que ceux possédant un faible revenu (familial) ont tendance à présenter un vieillissement cérébral accéléré et une diminution accrue des performances cognitives avec l’âge. Cette association est corrélée à une perte importante de substance blanche par rapport aux individus à revenu élevé. Ces résultats soulignent l’importance des facteurs psycho-environnementaux sur notre santé cérébrale ainsi que le besoin d’un meilleur soutien social pour les communautés vulnérables.
Au cours des dernières années, certaines études ont exploré la manière dont les comportements individuels ainsi que les environnements où ils se produisent influencent le vieillissement cérébral. En effet, les lieux où résident les personnes âgées influencent leurs choix sociaux, alimentaires, récréatifs, etc. Ces choix sont déterminants pour les facteurs de stress psychologique, physique et chimique auxquels elles sont exposées, tels que l’insécurité, la pollution, les catastrophes naturelles, la pénurie de ressources, etc.
Dans ce contexte, des recherches ont suggéré des liens entre le statut socio-économique, la structure du cerveau et les capacités cognitives telles que la réflexion, le raisonnement et la mémoire. Dans certains pays, les diagnostics de démence et autres pathologies cérébrales sont d’ailleurs plus fréquents au niveau des villes ou quartiers présentant des caractéristiques physiques, sociales et économiques désavantageuses. Par exemple, des études préliminaires menées aux États-Unis et au Royaume-Uni ont mis en lumière un risque plus élevé de démence chez les individus vivant dans les quartiers les plus défavorisés. Ces risques étaient associés à des déficits cognitifs et des lésions au niveau de la substance blanche.
Cependant, malgré les récentes avancées, notre compréhension de l’influence neurobiologique des conditions socio-économiques est encore limitée. Afin d’en savoir davantage, une équipe de l’Université de Genève, de Lausanne (Suisse) et de l’Institut Max Planck a mené une étude approfondie sur la manière dont la trajectoire socio-économique tout au long de la vie peut influencer l’évolution de la microstructure cérébrale à la fin de l’âge adulte. Les résultats ont été publiés dans la revue The Journal of Neuroscience.
Pour effectuer leur enquête, les chercheurs de la nouvelle étude ont recruté 751 adultes, âgés de 50 à 91 ans, issus de différentes catégories sociales. Les analyses concernaient des indicateurs tels que le revenu du ménage, les derniers emplois connus et les évolutions socio-économiques. Parallèlement, leurs performances cognitives ont été évaluées à l’aide de l’imagerie cérébrale par résonance magnétique et de différents tests cognitifs. Des mesures de la microstructure cérébrale ont également été effectuées. Ces paramètres ont ensuite été ajustés en fonction de facteurs de variation individuels tels que la génétique, les troubles ou pathologies sous-jacents (dépression et anxiété, maladies cardiovasculaires, …), le sexe et le niveau d’éducation.
Il a été constaté qu’un faible revenu familial était associé à des signes de vieillissement avancé au niveau de la substance blanche. Cela est accompagné d’une densité de neurites (des excroissances au niveau des neurones, qui peuvent prendre soit la forme d’un axone, soit d’une dendrite) et de myélinisation réduites. De plus, bien qu’une diminution de la substance blanche soit normalement observée au cours du vieillissement, ces personnes présentaient une diminution significative par rapport à celles à revenu élevé.
Une plus faible teneur en fer au niveau des tissus cérébraux, ainsi que de moins bonnes performances aux tests cognitifs ont aussi été observées. Cette baisse serait attribuable à la diminution de la substance blanche et à la présence de marqueurs de vieillissement avancés au niveau de cette dernière. En revanche, les individus à revenu élevé ont montré des performances cognitives préservées, bien que leur densité de neurites et leur taux de myélinisation soient réduits en raison du vieillissement.
« Ces résultats fournissent une compréhension neurobiologique détaillée des différences socio-économiques dans l’anatomie du cerveau et des performances cognitives associées », ont indiqué les experts dans leur document. Par ailleurs, ces résultats concordent avec ceux d’une récente recherche à grande échelle confirmant la prévalence accrue de la démence et du vieillissement cérébral accéléré chez les populations défavorisées. Ces constats soulignent l’importance des soutiens sociaux pour les populations vulnérables, qui devraient être pris en compte dans les systèmes de santé publique et de prise en charge des personnes âgées.
Mohand Lyazid Chibout (Iris)