Déjà paru à Yaoundé en 2017 aux éditions proximité sous le titre Munyal, les larmes de la patience, le roman Les impatientes écrit par Djaili Amadou Amal brise les tabous d’une société patriarcale. Elle a été lauréate du prix de la meilleure auteure africaine 2019 et du prix Orange du livre en Afrique la même année. En 2020, elle a eu le prix Goncourt des lycéens.
Du proverbe peul Munyal defan hayre qui signifie la patience cuit la pierre, l’auteure puise de sa propre expérience pour rendre compte d’un vécu. Mariée à l’âge de 17 ans, elle a connu les difficultés que vivent les femmes du Sahel. Le roman Les impatientes met en lumière le destin de trois femmes Ramla, Hindou et Safira. Ramla arrachée à son premier amour Aminou a été imposée comme deuxième épouse. Hindou, sœur de Ramla à qui on cite un hadith du prophète : Malheur à une femme qui met en colère son mari, et heureuse est la femme dont l’époux est content d’elle, a été obligée d’épouser son cousin Moubarak malgré ses multiples défauts. Le mot Munyal est sans cesse répété. Hindou se doit d’être patiente pour ne pas ébranler la quiétude de la famille. Cette réalité pesante sur les femmes se répercute sur leurs comportements, ce qui est perceptible dans l’attitude de Safira. Considérée comme la daada-saaré, la maitresse de maison, elle voit arriver une nouvelle épouse après vingt ans de mariage. C’est Ramla qu’on trouve au tout début du roman qui occupe cette place. Safira déploie tout ce qui est en son pouvoir pour faire fuir cette jeune « intruse ». Paradoxalement c’est elle, qui permet à Ramla de se confier et de se libérer du poids de ce qu’elle a subi.
Le texte semble être axé essentiellement sur Safira. En effet, c’est la daada- saacré qui prend en charge non seulement son foyer mais fait aussi éclater toute la haine qui loge dans le cœur des femmes qui ne trouvent pas des oreilles qui les écoutent.
Ramla, Hindou et Safira, trois destins qui convergent vers la même peine. Celle qui témoigne d’une douleur profondeur provenant de la bride de gronder. La bouche cousue, les femmes ne peuvent pas défendre leur amour encore moins exprimer leur refus. Elles usent alors, de subterfuges pour aboutir à ce qu’elles veulent. La tension dans laquelle leur corps se trouve est tangible dans le texte. Les mots choisis retentissent jusqu’au tréfonds du lecteur.
Les impatientes de Djaîli Amadou Amal est un roman qui prouve qu’au vingt et unième siècle les femmes continuent à se battre pour que leur parole soit entendue. En refusant de se voir sans cesse dans le miroir des hommes, elles bâtissent des paravents pour mieux se protéger.
Lamia Bereksi Meddahi
