Son corps exprime le mal-être et la douleur de son âme reflète notre ressenti. Les silences compatissants de nos voix, les cris gémissants de quelques plumes, les yeux avides des nostalgies de notre condition humaine, chaque sensibilité évolue à son rythme. Des actions tangibles et des pensées positives à notre diva Louiza à qui on souhaite un prompt rétablissement afin que ses contrariétés se dissipent et sa belle voix retrouve sa sonorité céleste, celle qui berçait les feuilles des arbres jusqu’à faire naître des zéphyrs imparables venant effleurer les visages des nourrissons dans leurs berceaux.

Louiza, notre chanteuse kabyle, a fait ce qu’elle pouvait avec les moyens qu’elle avait allant de pair avec la frénésie du temps qui passait. Physiquement à moitié emprisonnée et la parole en partie libérée, l’osmose artistique établie depuis son enfance entre la rêveuse avérée et les projections à demi réalisées a entamé sa correspondance avec le concret pour être ce qu’elle représente aujourd’hui : une grande dame avec des honneurs et des qualités collant à sa peau, le fruit de tant d’années de dévouements pour la culture amazighe en particulier et algérienne en général.

Née à Takorabt en Kabylie, dans la commune de Chemini à Béjaia, et c’est en 1978, en France, que sa carrière d’artiste a vraiment vu le jour, soutenue surtout par Slimane Azem et encouragée par feu Idir. Comme tous nos chanteurs, la majorité avait comme barrière la sévérité morale et la rigueur puritaine de ces ères un peu touffues et plus confuses. Sans vouloir être dans l’action irrévérencieuse, seulement ils espéraient rimer vocation avec passion, et tradition avec engagement de soi pour ainsi faire briller des cultures et des générations. Contre la guerre des mots, les dimensions subjectives et les attaques trop frontales des esprits étriqués, Louiza, par la pudeur de sa poésie et celle de sa démarche, est venue à la rescousse de ces basculements surchargés à tort d’un côté en contribuant, à la lumière de son exemple, à la libération de la femme par le haut en sachant dépeindre quelques mots de leurs rudesses tout en s’engageant implicitement dans cette activité artistique si risquée et incertaine de surcroît. Le pari réussi en étant fidèle à sa lucidité, la voici, en compagnie de ses semblables, sur la voie qui a brisé des tabous et quelques us et coutumes mal conçus dans les consciences trop sentimentalement religieuses.

De « Taqruct-iw dewweḥ dewweḥ » à « Rqiqes rqiqes », Louiza n’a pas cessé de faire quelques reculs afin de voir les choses autrement, et ce, dans le but de s’autoaffirmer et s’imposer par devoir réclamé par ses créations. Tout en étant dans son art et confortable dans ses tonalités extirpant ses souffrances intérieures par des couleurs assorties, ses expressions imagées de la culture populaire témoignent la force de la relation la reliant à son public. Maintes fois elle a évoqué l’immigration dans ses chansons, cet exil forcé à la fois subi et voulu, comme elle a chanté sur la vie dure et le monde instable, sur la condition des femmes et leurs difficultés, sur les bons gestes salvateurs qui bâtissent l’univers et les lendemains certains, sur l’amour vernal et lénifiant dans sa relativité et positivité rendant la vie à deux heureuse, sur l’espoir de la jeunesse, l’ossature de tout un pays.

L’existence est éphémère, elle le savait, et même si physiquement elle ne sera pas là demain – comme nous tous –, mais le travail sérieux, lui, le sera. Pour le reste, le ciel peut attendre, mais l’Histoire n’attend pas, autant marquer son passage, de ce fait. En ces temps où l’exigence vertueuse est de mise, tout le cri de son souhait est porté sur un ton monocorde, celui de voir le moderne dépasser le folklore afin d’universaliser et intéresser au-delà des frontières. « Certes, la musique n’a pas de bornes, mais la modernité passe par l’ouverture et l’innovation, estime Louiza, et tout ce qui est porté par une voix de femme est beau ».

Mohand-Lyazid Chibout (Iris)

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