Le festival Les Nuits de Carthage à Montréal est de retour pour une deuxième édition, qui se veut toujours cet évènement de partage d’une culture maghrébine ancestrale et riche en terres d’Amérique ouverte sur les richesses du monde. Cette deuxième édition porte dans son escarcelle une programmation musicale originale qui consacre la valorisation du patrimoine et la recherche artistique portées par des jeunes talents, qui insufflent à la mouvance artistique maghrébine un nouveau souffle! Nous avons eu le plaisir d’assister à la deuxième soirée de cet évènement dédié au patrimoine musical spirituel, intitulée, Le patio fou du mausolée, animée par Dendri et Grooz, qui ont fait vibrer la salle mythique Le National à Montréal.
Dendri, une découverte qui charme
D’emblée, il faut dire que la prestation de ce groupe mystique était un franc succès et bien plus encore, car l’esprit Dendri a vite régné sur un public charmé par son univers fabuleux et original ! Pour le présenter, Dendri est un groupe de musiciens tunisiens qui s’évertue depuis sa création à préserver et à promouvoir le patrimoine musical tunisien stambeli.
Il faut rappeler que ce genre musical afro-tunisien a été introduit en Tunisie au cours du XVIIIème siècle par la communauté noire venant des pays subsahariens. A l’origine, c’était une musique aux vertus thérapeutiques qui fait appel aux esprits subsahariens et aux saints musulmans lors d’une transe ritualisée, présumée soulager et guérir. Elle est jouée avec une flopée d’instruments traditionnels tels : gombri (luth à trois cordes), tambour, chkachec (percussions métalliques), Gougay (un petit violon), etc.
Dendri a gratifié le public par plusieurs chansons de son album, intitulé, Bori, interprétées par la voix chaude et retentissante de Mohamed Jouini au gombri. Le rendu est une musique originale, qui intrigue par les nuances qu’elle dégage! En effet, on est dans la création musicale via une fusion subtile qui puise sa substance dans le registre stambeli et colorée avec des influences venant de styles plus élaborés comme le rock et le jazz. Cette alchimie musicale est le résultat d’une intime communion entre les instruments modernes comme la guitare électrique et la guitare basse, et les instruments traditionnels du stambeli. Ce brassage donne à leur musique toute sa richesse, à la fois polyrythmique et élaborée, tout en conservant les transes stambeli.
Pour leur premier passage au festival Les Nuits de Carthage à Montréal, Dendri a laissé une très bonne impression et a conquis un public qui souhaite le revoir dans les prochaines éditions.
Grooz enflamme Le National
Que dire de la prestation de ce groupe « atypique » et cosmopolite, juste sublime! Grooz est une véritable bête de scène, qui se donne à 36 carats pour son public et dégage une énergie fulgurante, qui a enflammé Le National, ce samedi soir assez frisquet ! Grooz incarne avec maestria cette fusion raffinée de la musique traditionnelle gnawa avec des fragrances universelles comme le jazz, le rock, le blues et le reggae, à l’image de ses membres issus de plusieurs pays.
Le public a eu le plaisir d’apprécier plusieurs titres de l’album East West (Jambirika, El Khayl, Sahara Trip, Lalla, Transe…), interprétées avec brio par le bassiste Abdelhak Benmedjebari, le leader charismatique de ce groupe. Le public a été certainement impressionné par la performance vocale de Abdelhak. Il a du coffre avec sa voix puissante et profonde, qui charrie beaucoup d’émotions. En plus de sa voix de ténor, sa belle présence et sa virtuosité sur la guitare basse, il a un sens de communication aigu en interagissant agréablement avec son public. Sa maitrise de la scène et son osmose avec les musiciens du groupe laissent planer l’esprit de la « Gaada Diwan Béchar », le groupe légendaire algérien, où il a fait ses premiers pas à côté de son père « Maalem Mejbar ».
La prestation de Grooz a emballé Le National et a conquis un public qui retiendra pour longtemps le souvenir de la performance et de la générosité de ce groupe, à qui on souhaite longévité, beaucoup de spectacles et beaucoup d’albums !
Sofiane Idir