Ecrivaine et professeure agrégée, Marie Hélène Lafon est l’auteure de Le soir du chien (2001) Les derniers indiens (2008) L’annonce (2009) Les pays (2012) Nos vies (2017) Histoire du fils (prix Renaudot 2020). En 2023 elle publie Les sources[1].
La femme qui n’est point nommée
Une famille de cinq personnes vit dans une ferme isolée de tout. Le père, la mère et trois enfants Isabelle, Claire et Gilles mènent un quotidien des plus ordinaires. Sauf que la mère qui n’est point nommée dans le texte est lasse. Prisonnière de la monotonie qui envahit ses journées, elle veut se libérer du joug de son mari. Il n’a aucune reconnaissance envers les efforts qu’elle fournit pour maintenir l’ordre à la maison : « Après le repas, il faudra débarrasser, laver la vaisselle, la ranger, balayer » (p.46). Bien que les domestiques s’activent, elle reste la maitresse des lieux. Elle veille pour que l’éducation des enfants soit assurée. Tout est focalisé sur leur bien-être pendant qu’elle fond telle une bougie qui n’est plus en mesure d’illuminer.
La source du bien-être
Devenir une mère c’est accepter de se soumettre à la transformation du corps. De ce changement naissent multiples sentiments qui affectent l’esprit. La mère des trois enfants Isabelle Claire et Gilles n’est pas heureuse. À travers ses gestes redondants, le lecteur décèle la lassitude résultant de la responsabilité qui lui incombe. Le récit se présente de manière circulaire. L’auteur décrit des lieux, des faits puis revient vers la femme qui cherche un point d’ancrage. Il est le centre qui empêche de se perdre.
C’est autour de cette idée que le concept de source prend tous ses sens : « Cinq années et demie dans la vallée de la Santoire, et une vie entière entre Aurillac, Fridières et Paris. La source serait là, une source. Elle préfère le mot source au mot racine » (p. 116). De cette source peut jaillir le sentiment du bien-être. Il remet les choses à leur place et rappelle que s’éloigner de ce qui procure le plaisir mène inéluctablement vers un dégout. C’est ce qu’a vécu la mère de famille qui, en se concentrant sur les tâches ménagères, s’est délaissée. Elle n’était plus le corps qui a porté et souffert mais juste un ventre qui s’est transformé. À travers ce roman Les sources Marie Hélène Lafon convoque la sensibilité, quintessence de l’attention.
Lamia Bereksi Meddahi
[1] Marie Hélène Lafon, Les sources, Ed/Buchet Chastel, 2023, 118 pages.