En sillonnant le Cimetière Islamique du Québec qui se trouve à Laval, on ne peut que déplorer son état, qui pour le moins que l’on puisse dire est effrayant. Le délabrement est tel qu’il en devient déprimant même pour celles et ceux qui viennent pour se recueillir devant les tombes de leurs proches. L’endroit n’est ni reposant et n’invite pas à s’y faire enterrer. Dire qu’il est chaotique serait un euphémisme du moment où l’on sait que les cimetières musulmans partout ailleurs sont dans un bien meilleur état. La gestion qui en est faite n’est en tout état de cause ni inspirante, ni digne de la communauté musulmane, qui gagnerait à avoir un lieu plus respectueux de nos morts.
En mettant le doigt sur l’état du cimetière de Laval, on se rend compte assez rapidement que les visions des musulmans sont assez différentes sur tout ce qui tourne autour de la mort. D’abord parce qu’en général, les gens n’y pensent pas ou ils ne préparent pas leur mort comme cela se fait ici Québec. Je m’explique, si se faire enterrer est pris en charge par la communauté dans les pays du Maghreb par exemple où l’élan de solidarité est assez présent lorsque la mort survient, au Québec la mort est payante, car le service funéraire coûte en moyenne autour de 3500$. Si aucune assurance n’est prise et c’est généralement le cas, la famille du défunt est rapidement prise de cours et on se retrouve à courir dans tous les sens pour recueillir des dons dans les mosquées que ce soit pour enterrer le mort sur place ou pour le rapatrier dans son pays d’origine. Dans ce genre de situation, il faut reconnaître que les vivants sont assez solidaires devant la mort et l’élan de générosité n’a pas son pareil. Il faut dire aussi que les frais inhérents au rapatriement sont beaucoup plus dispendieux que ceux qui sont consacrés à enterrer le mort sur place, même si des entreprises comme Magnus Poirier par exemple interviennent pour offrir le service entre l’hôpital et l’aéroport pour répondre aux besoins de la famille du défunt. Que ce soit pour être enterré dans le pays d’origine ou au Québec, un véritable travail pédagogique doit être mis en place pour informer et sensibiliser les membres de la communauté sur ces aspects afin qu’ils saisissent les enjeux économiques, sociaux et familiaux de la mort. Penser à se faire enterrer au Québec c’est aussi prendre conscience de cette réalité et d’en tenir compte pour avoir un cimetière qui soit digne des musulmans, une mission que s’est fixé l’Association de la Sépulture Musulmane, même si la question reste posée : pourquoi n’y a-t-il pas plus de cimetières musulmans dans la métropole Montréalaise ? Par Réda Benkoula (L’initiative)