Lorsqu’on évoque Lucky Luke, on pense à lui comme étant le cowboy qui tire plus vite que son ombre. Le personnage qui a été créé par Morris en 1946 a bercé la jeunesse de plusieurs générations de lecteurs, qui ont grandi au rythme des aventures de ce héros de la bande dessinée franco-belge.
L’univers de la série a évolué au fil du temps à l’image de Lucky Luke qui a troqué sa cigarette pour un brin d’herbe. Même si le décès de Morris a laissé un grand vide dans le monde de la bande dessinée, la relève a été assurée avec des auteurs passionnés par le personnage et des artistes qui ont à cœur de perpétuer l’héritage du père de Lucky Luke. Parmi ces artistes, il y a bien sûr Achdé qui s’est approprié le style graphique de Morris en dessinant un Lucky Luke aussi fidèle que l’original. Il y a aussi Mathieu Bonhomme, qui a repensé le personnage en le faisant évoluer dans un univers un peu plus sombre, comme on pouvait le voir dans L’Homme qui tua Lucky Luke (2016) ou plus récemment dans Wanted Lucky Luke (2021). Dans un style plus décalé Guillaume Bouzard nous proposait en 2017 une vision plus parodique du personnage dans Jolly Jumper ne répond plus, avant que ce concept ne soit repris par Markus Witzel qui nous fait découvrir aux éditions Lucky Comics, Lucky Luke se recycle[1].
Après avoir publié Kinderland et Maitre Lampin, le scénariste et dessinateur allemand qui signe ses œuvres sous le pseudonyme de Mawil, nous fait découvrir un Lucky Luke qui déraille plus vite que son ombre, au lieu de tirer plus vite que son ombre.
Dans Lucky Luke se recycle, le bédéiste au style graphique simple et direct, dessine un Lucky Luke, qui reste tout de même reconnaissable avec sa chemise jaune et son chapeau blanc. Au lieu de chevaucher sa monture Jolly Jumper, notre héros conduit un vélo dans une aventure totalement loufoque.
D’ailleurs, la une de couverture du livre nous fait sourire avec un Lucky Luke qui est mal pris à pédaler un vélo au milieu d’un canyon. Un peu naïf et quelque peu flémard, il se retrouve bien malgré lui empêtré dans une aventure où il doit livrer un vélo jusqu’à San Francisco. La bicyclette telle qu’on la connait aujourd’hui a été créée en Angleterre est introduite aux États-Unis par un certain Albert H. Overman. Ce dernier échappe grâce à l’intervention de Lucky Luke à deux dangereux tueurs. Smith et Wesson sont au service d’Albert Augustus Pope, grand patron de la Pope Manufacturing Company et qui construisait à la fin du XIXe siècle le « Grand bi », un type de bicyclette qui possédait à l’avant une roue d’un très grand diamètre et à l’arrière une roue beaucoup plus petite.
L’ancrage historique que pose Mawil dans cette aventure, lui permet de respecter ainsi l’esprit de la BD, où Lucky Luke croise le chemin des personnages qui ont réellement existés avant de s’en aller au loin vers le soleil couchant.
Et où est Jolly Jumper dans tout ça me direz-vous ? Sans son précieux cavalier, le pauvre canasson recherche son maître qui traverse tour à tour les villes du Far West, le désert, les territoires des tribus amérindiennes, avant d’arriver à destination.
Dans cette hilarante aventure de Lucky Luke, le bédéiste allemand reprend les codes de la série tout en imaginant un univers farfelu, où le personnage enchaîne les scènes d’actions qui sont ponctuées de délicieux quiproquos.
Le Lucky Luke de Mawil vaut largement le détour et il démontre par là même que le personnage qui a été créé par Morris il y a plus de cinquante ans, reste une source d’inspiration intarissable pour les auteurs de BD et un moment d’évasion pour les petits et les grands.
Réda Benkoula
[1] Lucky Luke se recycle | Mawil | Lucky Comics | 2021 | 64 pages