Des membres de la communauté hondurienne de Montréal et d’autres Montréalais ont marché ce matin en solidarité avec les caravanes de migrant.es qui se rassemblent à la frontière des États-Unis. S’arrêtant devant des bureaux liés à Gildan Activewear, à la société minière Ascendant Resources et au gouvernement canadien, la manifestation a demandé au Canada d’assumer ses responsabilités pour la violence et la pauvreté qu’il a contribué à créer au Honduras et dans d’autres pays d’Amérique latine en ouvrant ses frontières aux caravanes.

Une énorme bannière rappelant cette responsabilité du Canada ainsi qu’un message de solidarité avec les migrant-es a été déployée sur un édifice du centre ville juste avant le début du rassemblement ce matin: « CANADA, QC, COMPAGNIES RESPONSABLES – SOLIDARIDAD CON LXS MIGRANTES – OPEN THE BORDERS »

« Nous sommes ici en solidarité avec les personnes de ces caravanes. Nous déplorons le silence de l’État canadien et de son premier ministre Justin Trudeau, face à cette crise politique et humanitaire. Le Canada est spécifiquement responsable de la situation actuelle qui force les exodes migratoires depuis le Honduras, l’Amérique latine en général et plusieurs autres régions du monde. Son silence est complice. » a dit Félix Antonio Molina, un journaliste membre de la Communauté Hondurienne de Montréal. [Voir les détails de l’implication Canadienne au Honduras ci-bas.]

« Le cas du Honduras n’est qu’un exemple de la façon dont l’État canadien exerce des pressions pour favoriser ses intérêts économiques, au dépens de la destruction des territoires partout dans le monde. Les communautés autochtones, paysannes et afro-descendantes sont particulièrement affectées en Amérique latine. Plusieurs pays des Amériques sont concernés, comme le Honduras, le Guatemala et le Salvador, et c’est de là que provient la majorité des membres des caravanes », a dit Mélisande Séguin du Projet Accompagnement Québec Guatemala (PAQG).
« Les mégaprojets d’extraction de ressources dépossèdent des communautés entières en détruisant leurs moyens de subsistance, leurs cultures et leurs traditions. Ils désagrègent le tissu social et causent des déplacements forcés, de l’insécurité, des persécutions, des disparitions, des violences sexuelles et des assassinats. Nous exigeons également que cessent immédiatement les activités des entreprises canadiennes responsables de la destruction des communautés et de l’environnement, pas uniquement en Amérique Latine mais également dans toutes les autres régions du monde. Nous devons faire front commun contre les politiques canadiennes destructrices », a dit Marie Bordeleau du Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL).
« Les caravanes actuelles sont un acte politique inspirant qui rend visible la situation désespérée de personnes dans la région et affirme leur liberté de migrer et leur dignité. Comme les milliers d’autres migrant.e.s de la région qui ont parcouru le “sentier des migrant.e.s” vers le nord au cours des dernières décennies, les membres de ces caravanes risquent des enlèvements / emprisonnements, des extorsions / frais d’immigration, des disparitions / expulsions, des violences sexuelles et la mort, tous des résultats directs ou indirects des politiques frontalières de Canada et des États-unis », a dit Mostafa Henaway de Solidarité sans frontières.

« Loin de reconnaître sa responsabilité d’ouvrir ses frontières à celles et ceux qu’il force à s’exiler, le Canada vient d’annoncer qu’il augmentera considérablement le nombre d’expulsions dans les prochains mois. En même temps, l’État canadien exploite les travailleurs et travailleuses sans papiers, les travailleurs et travailleuses temporaires, et autres migrant.es à qui on a refusé le statut régulier ou permanent au Canada. Ces personnes constituent une source constante de main d’œuvre jetable et bon marché dans les secteurs agricoles, domestiques et autres emplois dits peu qualifiés », a dit Hesser Garcia de Bouffe contre le fascisme.
« Nous tenons à souligner l’extraordinaire organisation collective et le courage des gens qui forment la caravane de migrant-e-s. Nous incitons nos communautés et nos allié.e.s à ne plus permettre à l’État canadien de fermer ses frontières aux personnes qui fuient les ravages qu’il participe à créer. Nous affirmons que personne n’est illégal.e et que les peuples disposent du droit à l’autodétermination, dont la liberté à circuler et le droit à vivre sans violence politique, économique ou de genre », a dit Mélissa Leblanc du collectif Projet Accompagnement Solidarité Colombie (PASC).

Mise en contexte : le Canada au Honduras
En effet, après le coup d’État militaire au Honduras qui a renversé le gouvernement élu de Manuel Zelaya, l’ambassade canadienne a négocié une rencontre entre des investisseurs privés et le nouveau gouvernement putschiste de Porfirio Lobo Sosa, qui a résulté en un accord de libre échange commercial bénéficiant aux investissements canadiens dans les secteurs minier, textile, immobilier et touristique. Les compagnies canadiennes telles que Goldcorp (qui a contaminé toute une région du Honduras avant de fermer ses projets en 2010), Aura Minerals (leurs opérations viennent d’être suspendues sous la pression des manifestations locales), Glen Eagle Resources, Ascendent Resources, Gildan Activewear et Randy Jorgensen (alias « le roi de la porno ») en ont profité. Le Canada et les États-Unis ont aussi été les premiers pays à reconnaître formellement la légitimité du gouvernement issu du coup d’État, en échange d’une réforme institutionnelle facilitant les investissements étrangers et réprimant les contestations des communautés affectées par les mégaprojets miniers et touristiques. Cette nouvelle législation minière, adoptée en 2012, est à l’image des très permissives lois minières canadiennes et a reçu l’appui financier et politique du gouvernement du Canada. Cela explique en partie pourquoi aujourd’hui 75% des entreprises minières dans le monde sont enregistrées au Canada, et que 90% des minéraux extraits au Honduras le soient par des compagnies canadiennes. De plus, le Canada s’est assuré que ces ententes demeurent non touchées en reconnaissant la légitimité en 2013, puis en 2017, du gouvernement de Juan Orlando Hernández, autoproclamé au pouvoir suite à des élections frauduleuses et marquées par la répression.

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