Depuis quelques années, le phénomène de l’ubérisation prend une ampleur considérable en restructurant l’économie et l’emploi. Aujourd’hui, plusieurs secteurs économiques sont envahis par ce phénomène tels que l’hébergement, la restauration, les services aux entreprises et particuliers, l’éducation, etc.

Depuis la première utilisation de ce terme en 2014, ce néologisme a évolué depuis pour désigner à présent un modèle économique où les entreprises se servent des technologies numériques pour réduire les coûts, en écartant les intermédiaires classiques pour entrer directement en contact avec les consommateurs. Il s’agit dans ce papier de se pencher sur ce phénomène à Montréal où il mobilise une armée de livreurs, propulsé notamment par la pandémie.

L’ubérisation bouleverse le monde du travail

L’ubérisation est en train de changer les mécanismes de fonctionnement du marché du travail. Pour réduire au maximum les coûts des services offerts, l’ubérisation renvoie à ce modèle qui s’affranchit du cadre fiscal et des règles de droit du travail et ses contraintes (rigidité du contrat, charges sociales, syndicat…). Ce modèle est porté par des startups numériques qui emploient de nouveaux acteurs présentant, sur le marché du travail, des statuts différents (travailleur autonome, auto-entrepreneur, freelance…).

Les startups numériques emploient une armée de livreurs à Montréal

Aujourd’hui, on peut tout livrer, la nourriture, les vêtements, les médicaments, les fleurs, voire les personnes dans le cas de conduire la voiture d’une personne ivre. La banalisation de la livraison est facilitée par les services des startups numériques (Foodora, UberEats, SkipTheDishes…) qui emploient des millions de livreurs à travers le monde. À Montréal, ce sont des milliers de livreurs qui, en voiture, à vélo ou à pied, sillonnent au quotidien les rues de la métropole pour livrer des biens de tous genres. Pour mettre en relief les traits saillants de cette activité, complètement transformée par l’ubérisation, nous avons accompagné un jeune livreur dans sa journée typique de travail. Il s’agit du jeune M. Makki qui travaille depuis quelques mois pour UberEats comme livreur, avec le statut de travailleur autonome. Dans sa voiture, en sillonnant les rues d’un quartier de Montréal, il attend une offre de son employeur via l’application installée sur son smartphone. Une fois qu’il a accepté l’offre, il se « grouille » au restaurant pour récupérer la commande et la livrer au client dans les plus brefs délais. Dans cet exercice, il doit être rapide, prudent et courtois ! Sa prestation est évaluée par le client qui détermine sa note auprès de son employeur. En effet, le maintien de l’emploi dépend de cette évaluation, car le livreur peut être évincé si sa note est au-dessous d’une certaine moyenne. Cette évaluation permanente engendre le stress et met le livreur sous pression. Un stress attisé par les dangers de la route et la hantise du manque de stationnement qui pousse souvent le livreur à prendre le risque d’un stationnement illégal, avec en corollaire, une amende salée, grugeant toute une journée de travail. Le livreur reçoit une rémunération par livraison et par kilomètre parcouru. Le jeune Makki estime que la rémunération est minime, notamment après la déduction des dépenses (carburant, assurance, entretien, données mobiles…) et compte souvent sur la générosité des clients via les pourboires pour bonifier son salaire. Pour lui, ce travail a beaucoup contribué à maintenir l’activité des restaurants au temps de la pandémie et à servir des familles confinées, notamment les personnes âgées. « C’est une activité qui mérite d’être considérée par une meilleure rémunération et des accommodements en matière de stationnement », nous confie-t-il !

En effet, l’ubérisation du marché du travail suscite le débat sur la précarisation accrue des emplois créés par les startups numériques (temps partiel, faible rémunération, horaires imprévisibles, avantages sociaux …). 

Sofiane Idir

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