Conjurer sa tristesse avec des mélodies réconfortantes, soulignées de beats digitaux et de guitare acoustique, inventer de nouvelles gammes d’arcs-en-ciel émotifs, faire danser avec, parfois au coin de l’œil, une larme imperceptible. Et cette voix qui nous enveloppe aussitôt, dont on n’arrive plus à se décrocher…

Bienvenue dans le monde de David Numwami. Lorsqu’il avait cinq ans, sa mère l’inscrit à un cours de solfège, ayant entendu dire que la musique guérissait les âmes blessées… En effet, dès sa naissance, en mars 1994, David est plongé dans le chaos génocidaire du Rwanda. Avec sa mère et ses grandes sœurs, ils trouveront un nouveau foyer en Belgique, à Louvain-La-Neuve, drôle de ville nouvelle et universitaire. C’est là que David apprendra la guitare au même âge où l’on apprend à lire. Pendant dix ans, il ne cessera d’en explorer les arpèges et les improvisations. À l’adolescence, il officie dans un groupe dont trois des membres le suivront dans son projet Le Colisée, fondé au début des années 2010. Une fois majeur, et en parallèle de ses études de philosophie, David orchestre la pop du Colisée, apportant un nouveau souffle à la scène bruxelloise. Très vite, on remarque la profondeur de son timbre et sa dextérité instrumentale, tant à la guitare qu’aux claviers.

Le voici embarqué sur scène auprès d’autres artistes comme François & The Atlas Mountains. C’est en 2018 que son destin bascule, lorsqu’il tourne avec Charlotte Gainsbourg pour l’album Rest. Dans ses chambres d’hôtel, mué par une envie irrépressible de s’exprimer, il écrit et s’enregistre, armé d’un micro et d’une carte son. Car la musique, pour David, est davantage qu’une passion, c’est un monde refuge où il fuit la dure réalité, où il laisse libre cours à ses émotions, sans mentir et sans mettre de côté sa vocation d’entertainer. Après la tournée avec Charlotte, il accompagne en studio ou sur scène Sébastien Tellier, Nicolas Godin ou encore Sebastian, mais n’en oublie pas moins ses chansons. À l’été 2020, il s’illustre avec « Le Fisc de l’Amour », suivi quelques mois plus tard par « Beats ! » dont il a réalisé lui-même le clip, apprenant au débotté les subtilités de l’animation. Autobiographique, léger comme une bulle de savon qui refuse cependant d’exploser, « Beats ! » tient, selon Philippe Katerine himself, de « l’orfèvrerie ». Car si la musique de David Numwami semble a priori facile, cette évidence a été façonnée des mois durant, en huis clos, où il a joué de tous les instruments dans une chambre prêtée par un hôtel bruxellois – avant d’être masterisée en studio par Rémy Lebbos.


En résulte un R’n’B à la fois épuré et pop, synthétique et organique, doté de respirations poétiques, de claviers à la fois kawaii et lo-fi, de moult éléments percussifs et de la guitare sèche qu’il possède depuis son enfance, cabossée comme il se doit, mais au son qui touche en plein cœur. L’enfant du rock qui a grandi au son de la virtuosité de Jimi Hendrix ou Frank Zappa se passionne depuis longtemps pour la trap d’Atlanta, la pop de Charli XCX, la K-pop et l’ambient de Brian Eno. Mais l’image(rie) compte, forcément : le cinéma bricolé et décalé de Michel Gondry, le street Numwami Worldart, le skate de Mark Gonzales, les couleurs de Keith Haring, l’audace de Basquiat. De ses années de philo, il en gardé un intérêt certain
pour le discours de Leibniz, l’incompris. Celui qui a eu le courage d’être naïf – ce dans quoi se reconnaît David. Le R’n’B d’obédience nineties de « Hello », le trip intérieur groovy de « Bruxelles-Sud », la pop autobiographique de « Beats ! », les nuées atmosphériques de « Numwami World », l’énergie percussive de « Théma », les sentiments colorés de « Milky Way », la structure céleste de « The Music is Forever »… En anglais ou en français, dans ce monde parallèle de David Numwami, il y a du groove et de la tristesse. Des chevaux de Troie sonores où s’affirme, écoute après
écoute, toute la finesse. Et dont on retombe amoureux, à chaque fois, comme si on ne pouvait pas faire autrement. N’est-ce pas là ce qu’on appelle un enchantement ?

« Une déclaration d’amour à ma compagne depuis dix ans, où je partage le désir que cela ne s’arrête jamais. » David Numwami

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