«Loup», «Rambo», «Lady», «Suédoise», «Chien», «Pied grand», «Schtroumpf» et «Boom-Boom» sont tous des sobriquets que des adolescents se sont donnés entre eux. Ils forment un groupe, mais pas n’importe lequel. Ils sont armés et se retrouvent en pleine jungle colombienne. Ils tiennent en otage une «docteure» d’origine étasunienne. Ils font des entraînements de type militaire. Ils semblent se battre contre les forces armées du pays, mais pourquoi ? On n’en sait rien. Sont-ils des guérilleros ? Ou encore des paramilitaires ? On ne sait pas trop. Quelles sont leurs revendications ? On le sait encore moins. Ce que l’on sait par contre c’est qu’ils sont jeunes, ils veulent aimer, et être aimés. Ils souhaitent également défier l’autorité, et goûter au pouvoir ; et ils y goûtent, et ça peut être très dangereux. Quand on est jeune, on se sent déjà invincible. Imaginez alors le contact entre cette étape de la vie et le pouvoir des armes, le pouvoir de faire partie de «La organización». Ça ne peut qu’être explosif, et ça l’est du début à la fin. Explosif, chaotique, parfois très violent, parfois tendre, c’est ce parcours sinueux que nous propose de traverser le réalisateur colombien Alejandro Landes, qui cultive cette ambiguïté – qui habite même chacun des personnages – tout au long du film pour que nous restions captivés et médusés devant l’écran.

On entend souvent dire qu’il y a toujours de la lumière au bout du tunnel, mais que se passe-t-il quand nous sommes devant un cul de sac ? On recule ? Peut-être. Mais on peut aussi foncer. La guerre est le scénario idéal pour tenter l’expérience. Les paysages époustouflants de la jungle colombienne, eux, donnent une touche de beauté à l’horreur qui peut surgir à tout moment. Ces jeunes disciplinés, une fois laissés à eux-mêmes, oublient leur mission et cela dégénère rapidement. Ils doivent se battre contre un ennemi extérieur. Pourtant, l’ennemi principal se niche à l’intérieur même de leur rang. Une guerre fratricide s’ensuit et nous sommes ainsi plongés sans repos dans une tension sans fin et dans un drame qui refuse de dire son nom. Après Cocalero (2007, un film portant sur le politicien bolivien Evo Morales) et Porfirio (2011), Alejandro Landes fait un pari risqué avec une façon audacieuse et éclatée d’aborder un chapitre de perpétuelle violence politique dans le pays que l’on croyait clos avec la signature récente des accords de paix. Aujourd’hui, il n’en est rien. Va-t-il remporter son pari ? On ne le sait pas. Ce que nous savons toutefois, c’est que celui qui ne risque rien, n’a rien.

MONOS | RÉALISÉ PAR ALEJANDRO LANDES | ARGENTINE, COLOMBIE, ALLEMAGNE, PAYS-BAS | 105 MINUTES | 2019

Eduardo Malpica Ramos

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