Depuis près de deux décennies, on observe une tendance manifeste de la part de notre société à faire des choix douteux voire même médiocres et ce, dans plusieurs sphères de la société. On observe aussi, une sous tendance à l’intérieur même de cette tendance. Cette problématique semble frapper plus particulièrement, des groupuscules appelés réseaux et ce tous types confondus : réseau de l’éducation, réseau de la santé et réseaux sociaux, entre autres.
Mais où est donc passée cette société qui, il y a quelques années à peine, valorisait les bons coups et l’excellence ? Comme l’humoriste Yvon Deschamps le disait si bien dans l’un de ses numéros : Où est-ce qu’on s’en va ?
Dévaloriser l’excellence dans le réseau scolaire
Le réseau scolaire québécois a fait figure de pionnier, en matière de nivellement vers le bas, dès le début des années 2000, avec sa réforme. L’évaluation des nouvelles compétences transversales et le nouveau système de notation a fait en sorte que les échecs passent incognito. Des jeunes en situation d’échec, à la fin de l’année scolaire, passent miraculeusement au grade suivant à l’automne. Plus personne n’échoue. On récompense l’incompétence, parce que ça fait mal paraître les autres d’avoir des bonnes notes. Comme le dit la chanson : Tout le monde, il est beau. Tout le monde, il est gentil. Et pour les besoins du présent article, tout le monde, il est intelligent. Pourtant, tout le monde n’excelle pas partout. Peut-on seulement voir la vérité en face et accepter qu’on soit moins doué dans certains domaines, plutôt que de se faire croire qu’on peut réussir partout et de se décourager au moindre échec, en mettant le blâme sur le dos des autres ? Non, personne n’est capable de tout faire à la perfection, mais oui, certains sont plus doués que d’autres.
Un autre exemple de cette tendance sociétal, on a choisi récemment, d’abaisser les critères de sélection pour l’admission à différents programmes réservés à l’élite au secondaire : éducation internationale, sports-études, musique ou arts, par exemple. On voudrait ouvrir ces programmes à des élèves plus faibles. Les critères d’admission à ces programmes sont sélectifs, car plusieurs écoles se basent sur les résultats scolaires, en plus du profil de l’élève. Les élèves peu motivés, ou avec des troubles de comportement, n’y sont généralement ni admis, ni tolérés. Mais une porte semble s’ouvrir en ce sens.
Le réseau québécois de la santé : le parent pauvre du Canada
La réforme du réseau de la santé et des services sociaux chapeautée par le ministre Gaétan Barrette, il y a quelques années, en 2015, a aussi entraîné le « nivellement par le bas » de l’offre de services, surtout en matière de soutien à domicile et dans le secteur de la déficience. Objet d’un manque de planification au niveau de la transition entre l’ancien et le nouveau système, la réforme a entraîné des effets tangibles et affectant la qualité de vie de certains citoyens, notamment les aînés et les personnes handicapées, qui ont subi une diminution considérable des heures de services à domicile, même si leurs besoins ont augmenté et que les critères d’admissibilité sont demeurés les mêmes. Certains n’y ont carrément plus droit du tout. Paradoxalement, la contribution financière des usagers est de plus en plus élevée.
Outre cette clientèle, les patients orphelins sont de plus en plus nombreux et ceux qui s’écartent de la norme, ont de plus en plus de difficultés à recevoir des soins, selon une enquête menée par la Protectrice du citoyen, en 2018. Les CHSLD ne sont plus des milieux de vie, mais sont devenus de véritables mouroirs où les aînés qui y sont admis y égrènent interminablement les heures. Les urgences sont devenues de véritables campements où les gens sont basés pour de longues périodes de temps. On attendait en moyenne, selon les données de 2018, 14 heures et 11 minutes, lors d’une consultation à l’urgence au Québec, alors que la moyenne est de 165 minutes au Canada. Finalement le délai d’attente moyen pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste au Québec est de beaucoup supérieur au reste du pays. Le délai d’attente pour une consultation gastroentérologique est de 324 jours et de 586, en urologie, alors qu’il est de 49 jours pour les deux spécialités, chez nos voisins du Nouveau-Brunswick.
La langue française dépossédée de sa beauté
Outre les réseaux publics aspirés par la tendance, notre belle langue n’a pas échappé à cette tendance, non plus. Devant les difficultés éprouvées par plusieurs à l’écrire, on a tout simplement choisi de couper court à l’esthétisme des mots pour simplifier la maîtrise de l’orthographe aux plus faibles. Les puristes de la langue française diront que les ‘’ognons’’ qu’on nous impose, sont difficiles à digérer et que les iglous du français contemporain s’apparentent à l’onomatopée, et glou et glou et glou, d’une célèbre chanson de beuverie. Ce n’est pas que l’aspect esthétique des mots qui risque de disparaître, mais il demeure tout de même certains risques, que notre langue subisse le même sort que l’ancien français dont il ne reste plus que des vestiges. Paraît-il que l’accord des participes passés feront également l’objet d’une simplification.
Les réseaux sociaux : Empires des morons
Finalement, le nivellement vers le bas touche aussi, les réseaux sociaux. Il ne suffit que d’y naviguer quelques minutes, pour y dénicher de véritables perles intellectuelles. Véritables foires de la liberté d’expression, les plus nuls s’improvisent tour à tour, médecins spécialistes du haut de leur 9ème année de scolarité, mécanos sans même détenir un permis de conduire, ou même, politologues sans connaître le nom d’un seul parti politique, et ce, en se retournant sur un dix sous, selon le ‘’post’’ du moment, avec fautes d’orthographe en prime, bien sûr. Les spécialisations de ces gérants d’estrades se succèdent à un rythme effarant. C’est à qui gagnera la guerre du déficit de connaissances sur un sujet donné, car c’est connu, la culture, c’est comme la confiture. Moins on en a, plus on l’étend. Bref, les insultes et les commentaires désobligeants voire dégradants sont légion. Certains sont même dangereux pour la santé et la sécurité d’autrui et ce, même en faisant abstraction des complotistes.
Si à l’origine, l’initiative de créer des réseaux sociaux était louable, puisqu’ils permettaient aux gens de communiquer avec leurs proches au loin, ceux-ci sont devenus de véritables foires langagières où tous et chacun s’expriment sur des sujets donnés. La grande majorité des usagers expriment correctement leurs opinions, mais suffit de quelques individus qui, au nom de la liberté d’expression viennent démolir des avis et opinions tout à fait valables parfois même, des avis d’experts. Bref, des théories éprouvées sont démolies sans même être contrevérifiées au risque de mettre en péril la santé, les avoirs ou la sécurité d’autrui. C’est sans compter ceux qui s’attaquent aux individus eux-mêmes et non, à leurs opinions.
À quand le retour du respect, du savoir et de l’excellence, sur la place publique ?
Martine Dallaire