L’histoire du plus grand vol de ruches au pays, la face sombre de notre culture fruitière et l’avenir de notre autonomie alimentaire.
Nous rêvons d’autonomie alimentaire et de fruits locaux à l’année. Ce que nous ignorons, c’est que notre agriculture repose sur une réalité pas très jolie: la pollinisation extrême. Entre le plus grand vol de ruches au pays et la détresse croissante des apiculteurs; entre une biodiversité menacée et une industrie qui ne fait rien pour l’encourager; entre la course folle à la pollinisation et des fruits presque entièrement voués à l’exportation, tout est à repenser. Et si les abeilles maintenaient notre alimentation sous respirateur artificiel? Pendant ce temps, au Québec, des jeunes échafaudent la ferme fruitière de demain.
Cet été, dans le cadre d’un dossier web pour BESIDE, la journaliste Eugénie Emond a cumulé recherches, rencontres et kilomètres pour creuser le vaste enjeu de notre autonomie alimentaire. Parmi ceux et celles qui ont croisé son chemin:
• La famille Labonté, qu’elle a accompagnée sur les lieux du plus grand vol de ruches au pays, à Saint-Albert, dans le Centre-du-Québec;
• David Lee Desrochers, avec qui elle a fait la route de Portneuf (Capitale-Nationale) à Saint-David-de-Falardeau (Saguenay), de nuit, pour transporter des abeilles qui iront polliniser une bleuetière;
• Stefan Sobkowiak, qui lui a présenté sa vision de la permaculture sur sa ferme de Cazaville, en Montérégie;
• Les étudiant.e.s de la ferme-école de l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du cégep de Victoriaville, dans le Centre-du-Québec, qui réfléchissent à la ferme fruitière de demain.
EXTRAIT
«Depuis que son cheptel a été décimé, David Lee court les ruches de nuit — les abeilles ne pouvant être déplacées de jour — pour honorer son contrat avec les bleuetières et renflouer ses coffres. Jusqu’à hier soir, il lui en manquait encore 128 pour atteindre les 432 promises. In extrémis, il a réussi à trouver les précieuses ruches manquantes chez un autre apiculteur, mais il a dû se taper une nuit blanche avant de repartir pour le Saguenay. Chaque année, c’est la course. Pour polliniser toutes les bleuetières du Québec et en obtenir le plein rendement, les producteurs de bleuets espèrent 95 000 ruches. Mais les colonies sont ravagées en raison des maladies, des pesticides et des fongicides.»
BIO
Eugénie Emond est journaliste indépendante. Elle collabore avec différents médias, dont Radio-Canada. Son travail lui a valu une nomination aux Prix du magazine canadien 2019 et 2020. Cette année, c’était pour son reportage «Le risque de rester», paru dans BESIDE 07.