Figure marquante de son époque, Stéphanie St Clair que l’on surnommait Queenie (1897-1969), était une femme noire qui a vécu à Harlem aux États-Unis. Sa notoriété égalait à l’époque des années 1930 celle de Charlie Lucky Luciano et autres noms du crime organisé.
Riche, séduisante et icône de la monde, Queenie inspirait autant la crainte à ses amis, que l’admiration des plus démunis et des laissés pour compte. Au-delà du charisme qu’elle dégageait, Queenie était avant tout une mafieuse, qui contrairement aux autres truands de son époque est morte de vieillesse alors qu’elle dirigeait diverses activités illégales. Sur ce point, elle peut être considérée comme une survivante des épreuves qu’elle a traversée.
Elle était une habile femme d’affaires et une polyglotte en phase avec son temps. Elle savait se faire entourer de personnes fiables à l’image de Bumby Johnson, son homme de main et pour qui elle fut un mentor.
Queenie, qui n’avait pas que des admirateurs, devait gérer ses affaires, tout en faisant face à de la concurrence qui était souvent violente. En tant que femme noire, elle a affronté la police de l’époque non sans en payer le prix.
Elle fut connue pour dénoncer la corruption, la brutalité policière et elle a aussi fait prendre conscience à la communauté noire quelle a des droits comme le lui rappelle le photographe de la Renaissance de Harlem James Van Der Zee : « Vos annonces ont fait prendre conscience à notre communauté que nous avons des droits » (p.30).
Queenie : une personnalité complexe et inspirante
Si le nom de Queenie a été effacé de l’histoire, la bédéiste Elizabeth Colomba et la scénariste Aurélie Levy ont remédié à cet impair en publiant aux Éditions Anne Carrière cet excellent roman graphique qui met en lumières la vie de celle qui fut une figure importante au sein de sa communauté.
La complexité du personnage de Queenie a inspiré les deux autrices qui ont retrouvé chez elle un vécu qui leur était familier. Toutes les deux ont ainsi mis à profit leurs expertises dans leurs domaines respectifs pour raconter sous la forme de roman graphique une partie de la vie de Queenie. Les autrices ont pris soin de faire de nombreuses recherches historiques avant de nous immerger dans le Harlem Renaissance des années 1930.
Le scénario qui pourrait très bien être adapté au cinéma évolue entre les flashs du passé et les moments présents que vit Queenie. Les lecteurs en apprennent plus sur le personnage à travers des moments forts qui ont façonné son regard sur le monde.
Au niveau graphique, Elizabeth Colomba confie qu’elle a perfectionné son style artistique puisqu’elle combine l’art du portrait avec le noir et blanc pour réaliser une œuvre quasi cinématographique au côté d’Aurélie Levy. Queenie, la marraine de Harlem[1], est une œuvre qui réussit à faire sortir de l’ombre une femme hors du commun.
Réda Benkoula
[1] Queenie, la marraine de Harlem | Aurélie Levy (Scénario), Elizabeth Colomba (Dessins) | Éditeur : Anne Carrière | 2021 | 168 pages