Alors qu’elle avait pour objectif de favoriser les ménages à faible revenu (MFR), la réforme des tarifs domestiques d’électricité a plutôt eu l’effet contraire pour environ 390 000 (65 %) d’entre eux. Ils ont été désavantagés ou nettement désavantagés par la réforme d’Hydro-Québec qui s’est déroulée entre avril 2017 et avril 2019. Pour arriver à ces conclusions, l’IRIS a analysé l’évolution réelle de la facture d’électricité de quatre profils de clients pour trois volumes de consommation annuelle depuis la modification des tarifs.

Tant pour le gouvernement, pour Hydro-Québec que pour la Régie de l’énergie, le résultat de la transformation de la structure tarifaire n’est ni souhaité ni souhaitable. « En analysant différents scénarios, on se rend compte que la réforme des tarifs résidentiels d’électricité a entraîné des augmentations de la facture annuelle particulièrement désavantageuses pour les clients consacrant la plus forte proportion de leur consommation d’électricité au chauffage. Parmi eux se retrouve la majorité des MFR.

Le résultat ? Environ 210 000 (35 %) des MFR sont avantagés contrairement à 390 000 qui sont désavantagés », constate Jean-François Blain, chercheur associé à l’IRIS. De façon générale, la réforme a accru l’écart défavorable entre la facture annuelle d’un client à forte proportion de chauffage et celle d’un client à faible proportion de chauffage.

Exemple : Avant la réforme, un client moyen consommant 18 000 kWh par année avec une forte proportion de chauffage payait 50 $ de plus qu’un client avec peu de chauffage. Au terme de la réforme, il paie 115 $ de plus.

Les gagnants de la réforme
La nouvelle structure tarifaire encourage notamment la surconsommation d’énergie pour des usages non essentiels en été. « Alors que la réforme a pour effet d’augmenter la facture des MFR en hiver à cause du chauffage, elle permet des consommations élevées à faible coût en période estivale pour des usages non essentiels, indique l’expert en énergie. Alors qu’on voulait favoriser l’efficacité énergétique, l’utilisation de l’électricité pour la climatisation ou le chauffage des piscines est encouragée. »
L’impact du projet de loi 34
Adopté sous le bâillon il y a 10 jours, le projet de loi 34, qui faisait l’unanimité contre lui depuis des mois, scelle le sort des MFR dans ce dossier. « La seule possibilité de remédier au résultat indésirable de cette réforme de tarifs dans les cinq prochaines années est que le ministre de l’Énergie lui-même, sur recommandation d’Hydro-Québec, demande la tenue d’une audience à la Régie de l’énergie. De sa propre initiative, la Régie n’a plus ce pouvoir », prévient M. Blain.
La réforme en bref
Le tarif D, qui détermine la facture d’électricité pour 94 % des clients résidentiels d’Hydro-Québec, a été restructuré graduellement entre avril 2017 et avril 2019. La partie qui varie en fonction de la consommation s’établit toujours en deux tranches. Jusqu’au 31 mars 2017, les 30 premiers kWh étaient facturés 5,71 ¢ chacun, et les suivants 8,68 ¢. Ce sont aujourd’hui les 40 premiers kWh qui font partie de la première tranche.

Les clients qui ne peuvent pas agir sur la consommation de chauffage de leur habitation, soit parce qu’ils sont locataires, soit parce que leur capacité financière est insuffisante pour effectuer les rénovations qui seraient requises, font partie de ceux qui auront connu les plus fortes augmentations de leur facture d’électricité depuis 2016. Qui plus est, l’écart de facturation entre les ménages qui ont une forte proportion de chauffage et ceux qui en ont une faible va continuer de s’accroître puisque toutes les factures augmenteront au niveau de l’inflation.

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