e gouvernement du Québec et les CI(U)SSS de toutes les régions du Québec versent annuellement plus d’un demi-milliard de dollars aux résidences privées pour aîné·e·s (RPA). Alors qu’on y compte plus de 20 % du nombre total de décès liés à la COVID-19 au Québec, l’étude Les résidences privées pour aîné·e·s au Québec — Portrait d’une industrie milliardaire de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) lève le voile sur la structure juridique et le financement méconnus de ces établissements. L’Institut a obtenu des données inédites notamment par le biais de dizaines de demandes d’accès à l’information.
<iris-recherche.qc.ca/communiques/rpa-quebec-subventionne-les-multinationales-de-l-hebergement-au-detriment-des-services-a-domicile?ct=t(communique_MC_journalistes_COPY_01)&mc_cid=ed4ff1b917&mc_eid=…>
LES RPA, DES FLEURONS QUÉBÉCOIS ?
Malgré l’image qu’ils se donnent publiquement, les grands groupes de RPA — en particulier Cogir, Groupe Maurice et Sélection — n’ont plus rien de la petite entreprise familiale québécoise. Derrière des résidences d’apparence locale se cachent des structures complexes et multinationales comptant plusieurs dizaines d’entreprises, pour la plupart des coquilles vides sans employé. C’est le cas par exemple de la résidence Cogir Manoir Outremont, dont la structure de propriété compte 31 organisations à travers le monde, y compris au Luxembourg, un paradis fiscal notoire. La chercheuse Anne Plourde a réalisé un travail de moine pour reconstituer les réseaux d’entreprises impliquées dans les différents grands groupes de RPA au Québec.

LE CAS BRITANNIQUE
L’exemple du Royaume-Uni, où une plus grande transparence est imposée aux entreprises, montre bien à quel point ces entreprises financiarisées mettent de l’avant le profit, au détriment des services et soins offerts. Dans ce pays, les grandes chaînes de résidences consacrent en moyenne 13 % de leurs revenus à des dépenses qui ne concernent pas directement les soins et services aux personnes, contre 7 % pour les petites et moyennes résidences. Les multinationales qui y sont implantées depuis longtemps sont les mêmes qui occupent une place de plus en plus grande au Québec.
Au-delà des mécanismes de ponction de profits et d’optimisation fiscale que permettent les structures de propriété multi-niveaux de ces grandes firmes, les cas britannique et états-unien montrent aussi que ces modèles d’entreprise sont liés à des pratiques financières à haut risque susceptibles de conduire à des faillites, avec toutes les conséquences que cela implique pour les milliers de résident·e·s et d’employé·e·s dépendant de ces entreprises.
DES SOMMES COLOSSALES VERSÉES AU PRIVÉ
Dans son étude, l’IRIS prend la mesure de diverses sources de financement public des RPA, dont les deux suivantes :
1. Le Crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés : depuis 2007, Québec a versé 5 G$ aux RPA par l’intermédiaire de ce crédit censé permettre aux personnes âgées de rester à domicile. Pour 2021 seulement, ce sont 529,2 M$ qui seront ainsi perçus par les RPA, soit l’équivalent du tiers du budget d’aide à domicile (1,7 G$). 2. Achat de places et de services « à domicile » : Les CI(U)SSS achètent des places et des services à domicile en RPA pour combler le manque de ressources dans les CHSLD et les services à domicile publics [tableau 3]. Selon les données obtenues des CI(U)SSS par le biais de dizaines de demandes d’accès à l’information, ces achats sont en très forte augmentation au cours des dernières années dans plusieurs régions du Québec. Par exemple, les achats de services à domicile en RPA par le CISSS du Bas-Saint-Laurent sont passés de 100 000 $ à 2,6 M$ entre 2017 et 2020, une augmentation de plus de 2 500 % [tableau 5].
CESSER DE FINANCER DES MULTINATIONALES
À la lumière de ses analyses, l’Institut recommande au gouvernement du Québec de transférer progressivement le financement public direct et indirect accordé aux RPA vers le financement et la bonification des services à domicile publics. Ainsi, les personnes âgées ne seront plus contraintes de déménager en RPA pour recevoir des services qu’elles peinent actuellement à recevoir dans le réseau sociosanitaire public. Et, lorsqu’elles feront néanmoins ce choix, le coût de leur loyer ne sera plus gonflé par l’achat de soins et services « à domicile », puisque ceux-ci seront désormais dispensés par le secteur public, peu importe le lieu d’habitation.
CITATIONS : ANNE PLOURDE, CHERCHEUSE À L’IRIS
« C’est aberrant d’accepter que la privatisation des soins constitue une telle manne pour des investisseurs. Dans ce cas-ci, on parle en plus d’entreprises multinationales avec un modèle d’affaires centré sur le profit qui ne devrait pas avoir sa place dans le secteur des soins aux personnes. »
« Dans le contexte de vieillissement de la population qui est le nôtre, on doit au plus vite opérer un changement majeur dans l’offre de services aux personnes âgées, à commencer par le logement. Habiter en RPA, c’est bien loin du maintien à domicile. »

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