Le Président du Parti a été rendu destinataire d’une correspondance du Cabinet de la Présidence de la République entrant dans le cadre des consultations des partis politiques sur la présidence de l’instance de surveillance des élections.

Cette correspondance a fait l’objet d’une réponse de la part de M. Ali Benflis que voici:

« J’ai l’honneur d’accuser bonne réception de votre lettre en date du 9 octobre courant entrant dans le cadre de la consultation des partis politiques au sujet de la présidence de l’instance de surveillance des élections. Cette lettre a retenu toute mon attention et j’ai accordé à son examen toute l’importance qu’elle mérite.

Notre pays passe par l’une des phases les plus critiques de son Histoire contemporaine. Il fait face à une impasse politique totale qui prend la forme d’une crise de régime manifeste. Il est confronté à une crise économique d’une exceptionnelle gravité. Il est menacé par une montée des tensions sociales. C’est dans leur simultanéité que réside le caractère hautement sensible de l’ensemble de ces défis qui se posent à la Nation.

Dans un contexte aussi grave, faire comme si de rien n’était et ériger les prochaines élections échéances en opération routinière me semble mener le pays, encore une fois, à passer à côté de l’essentiel ; l’essentiel étant, en l’espèce, l’impasse politique qui ne peut plus continuer à être ignorée, la crise économique qui ne se résoudra pas sans efforts, sans sacrifices et sans courage et la montée des tensions sociales qui ne saurait être conjurée qu’à travers le retour de la nécessaire confiance dans la relation entre les gouvernants et les gouvernés.

Notre pays n’est pas en manque d’élections contestables et contestées qui l’ont toutes conduit vers là où il se trouveactuellement. Notre pays a besoin d’un changement qui lui ouvre de nouveaux horizons, lui offre de nouvelles ambitions et le réconcilie avec l’espoir et la confiance en soi desquels dépend l’unité des rangs de la Nation une et indivisible.

L’on ne peut que s’en désoler, mais les prochaines échéances électorales, tenues avec le même esprit et dans les mêmes conditions que leurs devancières, ne sont pas de celles dont on peut légitimement attendre une réponse déterminante aux vrais problèmes politiques, économiques et sociaux qui sont tous dans l’attente d’un traitement réel, effectif et diligent.

L’impasse dans laquelle se trouve notre pays est politique et son traitement ne saurait être que politique. Le traitement devra se faire dans l’ordre, l’apaisement et le rassemblement. Détourner les regards de cette nécessité impérative et vouloir à tout prix feindre d’organiser des élections normales, dans un pays présenté comme se trouvant dans une situation normale, c’est commettre un déni des réalités. Les défis décisifs pour l’avenir que nous nous devons de relever sont d’une toute autre envergure et ils exigent donc des réponses d’une toute autre ampleur et d’une toute autre qualité.

Rapportées à cette exigence essentielle, les prochaines échéances électorales pourront au mieux ménager un statu quo dommageable pour le pays si tant est qu’elles ne donnent pas une autre dimension à l’impasse politique et institutionnelle actuelle. 

Dans les limites qui sont intrinsèquement les leurs, les prochaines échéances électorales auraient pu, néanmoins,être l’occasion d’un premier mouvement vers le changement en marquant une volonté sans équivoque de redonner un sens au suffrage universel et de renouer avec le respect dû au jugement du peuple souverain. Il faut s’armer de lucidité et de sagesse et savoir reconnaître sans détours que la fraude électorale a occasionné tant de ravages dans le système politique national qu’il est grand temps d’admettre, une bonne fois pour toute, que la légitimité, la représentativité et la confiance se méritent et ne s’imposent pas.

De ce point de vue, la loi organique portant régime électoralde même que celle relative à la « haute » instance « indépendante » de surveillance  des élections auront été autant d’occasions manquées. Il est vain d’y chercher et hors de propos d’y trouver quelques signes que ce soit d’une rupture avec les pratiques du passé dans lesquelles s’incarnait et s’incarne toujours la négation de l’Etat de droit et le manquement aux normes démocratiques universellement admises.

La fraude électorale est la marque distinctive des systèmes politiques dysfonctionnels. Il est évident que les deux lois organiques en question n’ont en aucune manière été orientées vers la correction des dysfonctionnements du système politique national sans laquelle la réhabilitation de la citoyenneté et du choix du peuple souverain de même que l’avènement de l’Etat de droit et le bon fonctionnement démocratique de la société demeureront hors de notre portée. 

Ces deux lois organiques n’ont pas allégé l’emprise de l’appareil politico- administratif sur les processus électoraux, elles l’ont alourdie ; elles n’ont pas réduit son hégémonie sur les phases de préparation et d’organisation des élections qui conditionnent tout le reste, elles l’ont confortée. Ce même appareil politico- administratif n’est toujours pas acquis à la cause d’une compétition politique loyale et persiste à vouloir en fixer les conditions, à en dicter les règles et à en pré- déterminer les résultats. Les deux lois organiques n’ont pas éliminé les foyers de la fraude électorale existants, elles en ont ajouté de nouveaux.  L’instance de surveillance des élections n’est pas conçue comme instrument de prévention et de dissuasion de la fraude, elle n’a pour raison d’être que de la perpétuer sous de nouvelles formes qui sont vouées à être de nul effet sur la sincérité, l’intégrité et la transparence des scrutins à venir.

Il n’était pourtant pas si ardu de nous inspirer des expériences des autres Nations du monde, y compris celles de notre voisinage immédiat, pour doter notre pays d’une instance souveraine, neutre et impartiale en matière de préparation, d’organisation et de contrôle de l’intégralité des processus électoraux.

Le devoir de franchise et de sincérité que nous avons envers notre peuple commande instamment de lui dire que rien n’a fondamentalement changé et que le changement qu’il attend n’est pas encore à l’œuvre.

Le régime politique en place a toujours préféré le soliloque à la concertation et au dialogue sur tout ce qui engage le présent et l’avenir de la Nation. Et s’il rompt avec cette solide tradition, aujourd’hui, c’est pour des consultations sur  la présidence d’une instance dont la performance, quelle qu’elle soit, ne changera rien au cours discrédité des processus électoraux nationaux.

Que dire sinon que la situation hautement préoccupante qu’il vit autorisait notre pays à souhaiter plus et à attendre mieux : que des consultations, même aussi tardives, portent sur les vrais problèmes du pays dont nul ne doute qu’ils ont des noms et que ces noms sont ceux d’une impasse politique dont il importe de sortir la Nation, d’une crise économique d’une exceptionnelle acuité qu’il faut savoir surmonter et des prémices d’une déstabilisation sociale qu’il importe de réussir à conjurer.» 

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