L’opération Condor reste s’il en est, une des plus sinistres campagnes d’assassinats de l’histoire qui a été conduite par les services secrets du Chili, de l’Argentine, de la Bolivie, du Pérou, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, avec le soutien tacite des États-Unis au milieu des années 1970.
Cette opération consistait à systématiquement assassiner les dissidents politiques, les intellectuels de gauche et les opposants aux régimes militaires. À partir des années 1990, un vent de changement a soufflé dans plusieurs pays d’Amérique Latine et les gouvernements ont entamé des réformes pour juger les anciens bourreaux et réconcilier les peuples avec leur passé. Ce thème a inspiré Philippe Xavier et Matz pour publier un 5e album de Tango[1], une série d’aventures et de suspense qui a débuté en 2017 et qui se poursuit encore aujourd’hui.
Le personnage central de la série se prénomme Tango, un ancien infiltré que Matz considère comme un héros positif et qui résout les problèmes auxquels il est souvent confronté que ce soit aux Caraïbes, en Équateur, au Panama ou à la Cordillère des Andes.
Dans ce dernier album qui a pour titre Le dernier Condor, on découvre que Mario Borgès, un ancien policier, est rattrapé par son passé. Un ancien tortionnaire de la dictature militaire kidnappe Mario, car celui-ci l’avait arrêté trente ans plus tôt. Tango qui coule des jours paisibles dans la pampa argentine est informé de la disparition de son ami. Réussira t-il à le sauver ?
Au-delà du problème que traverse Mario, on apprend à connaître cette Argentine lointaine à travers son histoire, sa culture, son passé et l’espoir d’un avenir meilleur. À travers cette fresque où s’entremêlent suspense et enquête, Philippe Xavier et Matz livrent un récit aux couleurs chaudes de l’Argentine qui traverse depuis ces dernières années une crise économique multidimensionnelle.
D’ailleurs, dans une interview pour le Lombard, Matz, confiait avoir été imprégné par son voyage en Amérique du Sud, ce qui lui a permis d’ancrer le personnage de Tango dans un contexte social crédible. Le scénariste de Tango est rappelons-le un habitué des suspenses pour avoir réalisé la série Mexicana, Le tueur, Transperceneige, OPK, XIII Mystery, Du plomb dans la tête, ou encore Rivages Casterman noir.
À cela s’ajoute la dextérité graphique de Philippe Xavier qui puise assurément de son vécu en Argentine, au Chili et aux États-Unis, pour dessiner des planches réalistes et authentiques à l’image de certaines de ses œuvres telles que Conquistador, Croisade et Paradis perdu.
Les deux auteurs qui révèlent encore une fois leur maitrise des codes de la bande dessinée, livrent avec Le dernier condor, une œuvre qui ne sera certainement pas la dernière de cette saga, où Tango est comme toujours à la hauteur de sa réputation.
Réda Benkoula
[1] Tango T.5 : Le dernier condor | Matz & Philippe Xavier | Le Lombard | 2020 | 56 pages