Secoué par une révélation, sa vie bascule du tout au tout. Pablo (Juan Pablo Olyslager), marié, père de deux enfants et entouré d’une famille très pieuse, doit faire un choix : nier son homosexualité, c’est-à-dire se nier, ou continuer de feindre une vie familiale épanouie dans un milieu extrêmement conservateur.

Dans son deuxième long métrage, le cinéaste guatémaltèque Jayro Bustamante (Ixcanul, 2015) aborde encore une fois le poids des traditions, parfois très néfaste, qui pèse sur la société guatémaltèque. Dans Ixcanul, Maria, jeune femme autochtone, doit se battre et se délivrer d’une vie avec un homme qu’elle n’aime point. Dans Temblores, le registre change radicalement. Pablo est issu d’une famille bourgeoise, conservatrice et très religieuse. Se reconnaissant homosexuel, il doit assumer les conséquences de son geste perturbateur de l’ordre traditionnel, celui imposé par sa famille et par une société gagnée par une évangélisation aussi insidieuse qu’écrasante pour quiconque oserait la remettre en question.

Dans les deux cas, le destin des personnages oscille entre la transgression et la libération, entre le fait de défier l’interdit ou se faire broyer par un rouleau compresseur implacable. La famille de Pablo fera l’inimaginable pour restaurer cet ordre qui semble immuable. Walter Benjamin, philosophe allemand, appelle cela faire usage de la « violence conservatrice » face à une « violence fondatrice. » Dans Temblores, le nouvel ordre n’est pas pour demain, mais les fissures y sont là pour rester.

De cette manière, Jayro Bustamente s’attaque à ce phénomène qui a actuellement cours au Guatemala et en Amérique latine : la montée des conservatismes et l’emprise grandissante des églises évangéliques sur la société. Leur influence est en effet impressionnante, et ce, sur la politique et le débat public. Leurs ressources financières et leur réseau transnational peuvent faire changer de direction des décisions gouvernementales concernant notamment l’avortement, le mariage gay, la légalisation de la marijuana et l’idéologie du genre. Pas étonnant que les premiers effets se fassent ressentir au sein des familles. Temblores dépeint bien cette réalité. On sent le désarroi et même le désespoir de celui sur qui s’abat cette violence conservatrice. Tout y passe. Résister devient alors une question de dignité.

TEMBLORES | Version originale espagnole | Sous-titré en anglais | Réalisé par Jayro Bustamante | Guatemala, France, Luxembourg | 107 minutes | 2019

Eduardo Malpica Ramos

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