Le livre de Voltaire Traité sur la tolérance[1] a pris toute son importance depuis l’attentat qui a eu lieu à Paris le 07 janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo. Depuis ce jour les écrits se multiplient au sujet du lien entre la religion et la place que peut prendre la liberté. A juste titre, Voltaire avait souligné en 1762 suite à l’affaire Calas: « Il serait absurde de décimer aujourd’hui la Sorbonne parce qu’elle présenta requête autrefois pour faire brûler la pucelle d’Orléans, parce qu’elle déclara Henri III déchu du droit de régner, qu’elle l’excommunia, qu’elle proscrivit le grand Henri IV. On ne cherchera pas sans doute les autres corps du royaume, qui commirent les mêmes excès dans ces temps de frénésie. Cela serait non seulement injuste, mais il y aurait autant de folie qu’à purger tous les habitants de Marseille parce qu’ils ont eu la peste en 1720 »[2]. Face à un crime commis au nom de la religion les angles de vision se diversifient pour démontrer l’importance de la liberté et de l’autre côté louer les bienfaits de la laïcité. Partagée entre l’acceptation et le rejet la société, entre les problèmes économiques et de civilisation, la société française est dans une impasse; ce que ne manque pas de rappeler E.Todd dans Qui est Charlie? : « La France incroyante a besoin, pour trouver son équilibre, d’un bouc émissaire pour remplacer son propre catholicisme, devenu inutilisable. La diabolisation de l’islam répond au besoin intrinsèque d’une société totalement déchristianisée »[3].

I-Tolérance et philosophie:

La société française est partagée entre la liberté d’expression et les fondements de la laïcité. Dans ce dilemme, nous assistons à une perte de point de repère. Les raisons de notre passage sur terre n’ont pas encore été comprises. Nous prêchons la haine à longueur de journée en justifiant notre rejet de l’autre. Au lieu de chercher ce qui nous rassemble, nous fouinons partout pour voir ce qui nous sépare. Voltaire écrit dans Du Coran et de la loi musulmane: « Il n’y a qu’une seule religion dans le monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de Chine. Les sectes philosophiques étaient non seulement exemple de cette peste, mais elles en étaient le remède: car l’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre »[4]. Dans le même ordre d’idée l’auteur de Traité sur la tolérance cite l’évêque de Séez : « Ainsi du plumage qu’il eut, Icare pervertit l’usage, il le reçut pour son salut, il s’en servit pour son dommage »[5]. Comprenons que l’usage que nous devons faire de ce qui nous est offert doit plutôt nous rassembler et non nous séparer.                                                        

[1] Voltaire, Traité sur la tolérance, Ed/Gallimard, 1975.

[2] Id, p. 30.

[3] E. Todd, Qui est Charlie?, Ed/Seuil, 2015, p. 65.

[4] Voltaire, Du Coran et de la loi musulmane, Ed/L’Herne, 2015, p. 61.

[5] Id

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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