Les amateurs d’enquêtes policières trouveront en feuilletant la bande dessinée Tu ne tueras point[1], un florilège passionnant d’histoires criminelles, où les drames touchent différents milieux sociaux. Adaptées des récits radiophoniques de Christophe Hondelatte sur Europe 1, l’œuvre est signée de Jean-Louis Tripp au scénario et Cyril Doisneau aux dessins.
À travers un ton neutre, l’ouvrage est volontairement esquissé de sorte à nous imprégner de véritables faits-divers, tout en découvrant l’univers socioculturel dans chaque récit.
Pour se faire, Jean-Louis Tripp a délibérément choisi de faire appel au coup de crayons de Cyril Doisneau, un français installé au Québec : « Je voulais quelqu’un qui ne soit ni dans un registre réaliste pur, ni dans le gros nez et je voulais qu’il soit français, parce que je pense qu’un Québécois aurait eu plus de mal à restituer le contexte, à piger ce qu’il y a de très français dans ces ambiances provinciales ».
Pour répondre aux attentes du projet, Cyril Doisneau utilise une palette de couleurs restreinte. Pour le bédéiste, même si cela peut paraître peu, ce minimalisme assumé ne manque pas de nuances, tout en conférant une lisibilité et une atmosphère unique à l’œuvre.
En somme, le cadre pour restituer en format BD les récits de Hondelatte, étaient réunis dans la mesure, où il n’y avait qu’à choisir parmi les histoires à raconter.
Pour se faire, Jean-Louis Tripp a choisi d’adapter des histoires qu’il a catégorisées en deux groupes : « Il y a le pétage de plombs. Comme dans l’affaire Stern. Et tout de suite après, l’affolant mécanisme qui se met en place pour faire disparaître le corps et tenter d’échapper à la sanction. Et puis, il y a le crime froid, calculé, le crime par pur intérêt. Ça me sidère. Comment peut-on trouver par exemple, qu’il est plus facile de tuer son conjoint que de divorcer ? La dualité humaine me fascine…».
Parmi les dix récits que réunit l’album, l’auteur nous convie dans le quotidien de la fromagerie de la famille Deulin. Nous sommes en 1987. C’est durant la nuit du 20 juin, que Jean-Pierre retrouve sa femme Janine sans vie dans la chambre à coucher. Elle se serait suicidée avec la carabine.
Autres faits et autres circonstances. Nous sommes le 5 avril 1997. Il est 7 h du matin à Épagny en Haute-Savoie, lorsque les gendarmes découvrent le corps de Freddy Cavanna qui était étendu sur le sol. Il a été tué de quatre coups de fusil.
Dans un contexte différent, les gendarmes et les pompiers interviennent suite à un accident de la route et constatent le décès du conducteur. Cette nuit du 6 au 7 juin 1986 au col de l’Homme Mort, aux confins de l’Hérault et de l’Aveyron, la nuit a été difficile pour les gens du village.
Ces trois événements qui n’ont rien en commun sont quelques-uns des dix faits-divers que l’on retrouve dans Tu ne tueras point. Ces situations sont aussi les éléments déclencheurs de chaque tranche de vie que les auteurs décortiquent, tout en prenant soin de laisser les lectrices et lecteurs se faire leur propre avis sur ce qui s’est passé.
À travers les 150 pages que réunit l’ouvrage, Tu ne tueras point, vaut aussi bien sa dimension psychologique et sociologique que policière.
Réda Benkoula
[1] Tu ne tueras point | Jean-Louis Tripp (Textes), Cyril Doisneau (Dessins) | Le Lombard | 2021 | 144 pages