Le roman de Rénia Aouadène Un maure dans la sierra[1] rend hommage à un personnage occulté de l’Histoire. Elle raconte : « Alors que je séjournais à Bejaia en Kabylie, je rencontrais Djef.
Au cours d’une de nos nombreuses discussions et connaissant mes passions espagnoles, il me fit part de l’existence de Rabah Oussidhoum, originaire de son village de Darna et son implication dans la guerre d’Espagne au côté des républicains »[2]. Le lecteur est placé dans l’ambiance de l’Espagne, des années trente : « En ce mois de juillet 1936, les militaires ont déserté les casernes, décidés à s’emparer de toute l’Espagne mais la Résistance s’organise autour des Républicains et ce sont des pays et des ouvriers qui en constituent l’essentiel du mouvement »[3].
La force du combat
Se battre pour une cause, de quelle nature puisse-t-elle, revient à construire avec les pierres de l’Histoire. Si les guerres se font avec les armes, la reconnaissance ne se fait qu’avec des témoins : « Rabah arriva dans le camp, inquiet et conscient qu’il allait devoir se battre pour faire sa place. Il était surpris par le nombre d’autochtones qui se trouvaient là »[4]. Dans les sillons du combat, l’amour vient souvent faire vibrer les convictions les plus enracinées. Amalia a été la maîtresse de Don Francisco, un homme dont une partie de ses aïeux, du côté maternel était de sang arabe. De cette relation, Amalia avait une vision définie de l’époque arabo-andalouse pourtant bien différente de ce que lui a appris Rabah : « Les Moros n’étaient pas plus machos que les Espagnols »[5]. Enfant de Yamina et de Brahim, un père qui sillonne les routes pour vendre ses armes, Rabah est le préféré : « plutôt chétif »[6]. Il est sensible aux efforts que fournit sa mère quotidiennement pour apporter le bien-être à la famille. Rabah écoutait attentivement le maître Lavedrine mais il s’est toujours demandé pourquoi la terre de ses ancêtres a été occupée par les Arabes, les Turcs, les Français. Cette colonisation continuelle suscite un engagement pour défendre une cause : « En ce mars 1938, au milieu du Brouhaha causé par les bombes, les tirs des mitrailleuses, les grenades lancées par l’ennemi, Rabah armé de son fusil tire dans tous les sens. Il sait qu’il n’y a pas de temps à perdre car les franquistes, remontés à Block par les batailles gagnées, sont prêts à tout pour en découdre avec ce bataillon. Un tir atteint la poitrine de Rabah qui s’écroule à terre, se vidant de son sang ».[7]
Rabah Oussidhoum, un nom dont le bruit des échos ne s’écoute qu’avec les cœurs qui ont longtemps lutté.
Lamia Bereksi Meddahi
[1] Ed/Alkalima, 2015.
[2] Id, Prologue
[3] Ibid, p. 93.
[4] Ibid, p. 47.
[5] Ibid, p. 137.
[6] Ibid, p. 10.
[7] Ibid, p. 163.