En terre arabe tout comme ailleurs, les hommes ont disposé, au fil des siècles, d’une place de choix dans les affaires, dans la politique, dans la religion et dans la vie sociale. De l’Antiquité à l’ère contemporaine, de nombreuses figures emblématiques de femmes ont néanmoins su démontrer une ferveur sans égale dans la construction d’un repositionnement original au sein de la société qu’elles ont ajustée à leur vision singulière du monde. La domination historique du masculin sur le féminin n’en a pas moins fait disparaître, peu à peu, les apports des femmes, aussi bien arabes que non-arabes, dans le fonctionnement des sociétés. Nous avons ainsi perdu le souvenir de ces… grandes figures de femmes dont la vie avait pourtant témoigné de leur extraordinaire capacité à promouvoir une identité proprement féminine et spécifiquement orientale qui était arrivée à se libérer des contraintes sexistes et culturelles qui s’imposaient à leur époque.
Au cours de l’histoire orientale, Jodha Akbar en Mongolie, Aisha à Médine, Hoda Shaarawi en Égypte, Zénobie de Palmyre et bien d’autres femmes ont remis en cause le destin imposé à leurs sœurs. Tantôt par la force des armes tantôt par celle de l’amour, elles ont su guider, voire en les important des autres continents, leurs prises de positions qui furent déterminantes pour l’avenir de leur société et celui de l’humanité. Sultanes, Militantes, Reines ou Poétesses, ces femmes se sont toutes présentées comme des garantes de l’ouverture des consciences. C’est à travers la puissance de leur désir et du prendre-soin de l’autre que ces femmes finirent par s’imposer, malgré la pression sociale, comme des figures emblématiques d’un monde sans doute empreint de sagesse mais entièrement fermé à la féminité.
C’est principalement sur ce féminin capable de recréer les manières de penser et d’agir au sein de sociétés conservatrices que nous voulons centrer notre attention. L’influence du féminisme contemporain touche, avec une profondeur variable selon les diverses régions du monde, les sociétés généralement encore patriarcales qui subissent, dans ce nouveau contexte, une reconfiguration qui conduit, ici et là, à requestionner la place faite aux femmes par l’héritage religieux et symbolique reçu du passé. La forme spécifique qu’a pris le « féminisme musulman » en est un parfait exemple : alors que les femmes musulmanes furent historiquement exhortées à rester éloignées des affaires publiques, elles se retrouvent de nos jours, peu à peu, comme leurs homologues chrétiennes, dans le champ des pratiques religieuses qu’elles investissent. Cette recherche de l’égalité menée par les femmes musulmanes dans le domaine de la théologie et des pratiques religieuses n’est pas, en réalité, aussi récente qu’on le croit.
Le colloque « L’héritage religieux au féminin » se donne pour objectif de situer l’histoire des femmes précurseurs dans le féminisme et de discuter des échos possibles de leur influence à l’ère de notre modernité. Qu’il soit question de poésie, de littérature, d’anthropologie ou de théologie, chacun de nos intervenants sera invité à exposer ses réflexions sur le sujet de l’héritage religieux au féminin, de ses répercussions, et de ses enjeux dans notre société québécoise. Le colloque souhaite s’appuyer sur une approche comparative en invitant des personnes issues d’autres ensembles culturels et d’autres religions que l’islam à présenter leurs propres lectures de ce qu’a été la contribution novatrice des femmes dans le christianisme, l’hindouisme, le bouddhisme, le judaïsme et autres religions.
Organisateurs
Institut Musulman de Montréal. Président : Mohammed Khallad
Chaire d’Enseignement et de Recherche Inter-ethniques et Inter-culturels de l’Université du Québec à Chicoutimi (CERII). Directeur : Khadiyatoulah Fall
Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT). Directrice : Madeleine Pastinelli.
Intervenants
Géraldine Mossière « Être femme, penser féminisme et choisir l’islam : un paradoxe apparent »
Abdelwahed Mekki-Berrada « Que diraient Abderrahmane et Foucault de la (dé)subjectivation de femmes musulmanes en Inde ? »
Keira Mecheri « Aisha, une femme entre tradition et passion; L’histoire d’une épouse adorée pré-destinée »
Fayrouz Fawzi « Entre émancipation et freins à l’intégration, l’isolement de la femme marocaine immigrante au Québec »
Abedin Filo, « Quand la voix est précieuse »
Bachir Bessaddek « Du mythe à la fiction. Élaboration d’un personnage »
Yara El-Ghadban « Écrire le plaisir de la femme arabe: tropes et tabous »
Gilles Bibeau « Une fable littéraire évoque le mariage d’un philosophe et d’une princesse venue du monde des djinn »
Ellen Corin « D’ombre et de lumière, le pouvoir des marges »
Najat Mustapha « Féministes musulmanes entre assignation à l’identité religieuse et l’accusation d’infiltration. Témoignage d’un parcours de clinicienne »