Le 25 octobre 2017, Guy Ouellette, alors député libéral de la circonscription de Chomedey, se fait arrêter par l’Unité Permanente Anticorruption (UPAC) dans le stationnement du Tim Horton’s de Laurier Station. Soupçonné d’être derrière les fuites médiatiques présumées de documents de l’UPAC, l’actuel député indépendant se défend et ne cesse de plaider son intégrité, depuis.
Beaucoup de mystère entoure cette affaire qui a ébranlé la classe politique québécoise, une histoire qui n’a pas livré tous ses secrets. En attendant le rapport final du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), l’ancien député du Parti Libéral du Québec (PLQ) a toujours nié les faits. Aucune accusation n’a en effet été portée contre lui à ce jour et rien n’a été prouvé, avec entre autres l’annulation des mandats obtenus contre Guy Ouellette, par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).
Et c’est à travers son livre, qu’il titre « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse » (336 pages), que M. Ouellette clame son innocence en affirmant que cette opération visait plutôt à le mettre hors d’état de nuire. Un ouvrage qui ne reflète pas nécessairement une affaire de vengeance, lorsque les médias évoquent un règlement de comptes avec l’UPAC, puisque le député indépendant de Chomedey vise beaucoup plus à rétablir la vérité. Lui qui accuse l’UPAC de l’avoir arrêté pour l’intimider, le museler et le neutraliser dans ses démarches pour obtenir une meilleure reddition de comptes sur les activités de l’escouade.
« On a pris la décision en 2011, alors qu’on était en urgence politique, de faire une unité permanente anticorruption, et à l’époque, avec le ministre Robert Dutil, la discussion a été faite en commission parlementaire sur la pertinence d’un corps de police ou non. Et la décision a été rendue que nous n’avions pas besoin d’un corps de police, on avait besoin d’un coordonnateur d’équipe d’enquête, et ce n’était pas assez pour monsieur Lafrenière. Et tout le long du livre, il est abondamment expliqué tout le cheminement de l’UPAC, et je remets même en question aujourd’hui l’utilité de l’UPAC. Après 2017, tout le monde est parti, il n’y a plus d’expertises, je pense qu’il va falloir se poser des questions et demander à monsieur Legault pourquoi on n’a pas entendu monsieur Lafrenière quand il a démissionné », révèle entre autre M. Ouellette à la chaîne ICI RDI, dans le but d’éclaircir les conditions qui ont entouré son arrestation.
Une arrestation mystérieuse ?
Lors de l’interview accordée à la chaîne de Radio Canada, Guy Ouellette donnait quelques explications sur l’interrogatoire qui avait suivi son arrestation, comme pour affirmer que l’opération était montée de toutes pièces. « Les personnes qui m’ont interrogé savaient que je n’étais pas la bonne personne. On les aurait impliqués la veille, selon leur dire. Cela servait les intérêts de ceux qui avaient fuité aux médias les informations, qui ont amené avec eux d’autres enquêteurs de l’UPAC. Depuis l’opération, il y a probablement plusieurs procureurs de la couronne au DPCP qui ne sont pas totalement contents de la manière dont ça s’est passé. J’étais sous filature durant la journée de l’arrestation. On pensait que j’étais avec ma conjointe, alors que j’étais en rendez-vous professionnel avec une autre personne. Pour vous dire que ça a commencé très mal… Il lisait des questions qu’on avait préparé ».
À travers sa version des faits, M. Ouellette espère ainsi que le BEI puisse avancer plus rapidement dans son enquête. « Ce n’est pas moi qui étais responsable des fuites, je l’ai dit sous serment quand je suis allé témoigner dans une requête du procès Normandeau devant le juge Perreault […] Il y a beaucoup de gens qui se souviennent de certaines choses, qui vont amener d’autres éléments qui vont permettre au BEI d’avancer dans l’enquête, et ne pas attendre deux ans et les prochaines élections pour que ça se règle », ajoute-t-il.
Robert Lafrenière en prend pour son grade
L’on sent à travers les révélations de Guy Ouellette dans son livre toute l’amertume engendrée par son arrestation. Le natif de Sherbrooke n’hésite pas à « braquer » à son tour l’ex-commissaire de l’UPAC, Robert Lafrenière (son nom est nommé 230 fois dans le livre). « On m’a arrêté pour m’enlever de la route de M. Lafrenière, pour qu’il puisse avoir son corps de police, et qu’il puisse être chef de police. Je nuisait aux ambitions de M. Lafrenière », déclare Guy Ouellette en entrevue à Tout un matin.
« Un homme aux ambitions démesurées, aveuglé par sa soif de pouvoir au point de se croire intouchable, un commissaire qui faisait clairement passer ses intérêts personnels avant ceux de son organisation », écrit Guy Ouellette sur Robert Lafrenière dans son livre. « Je ne sais pas où l’UPAC s’en va, en fait, je ne suis plus du tout convaincu de l’utilité de l’UPAC », ajoute-t-il. « J’avais acquis la conviction que Robert était prêt à beaucoup de choses pour arriver à ses fins. J’ai pensé à Machiavel, mais ce n’était pas ça. […] J’ai réalisé qu’il voulait devenir une sorte d’Edgar Hoover québécois, un homme d’ombre et de lumière doté d’un pouvoir indu et menaçant », écrit-il notamment.
Ouellette attend les excuses de François Legault
Dans son ouvrage, Guy Ouellette n’épargne pas le chef de la Coalition Avenir Québec (QAC), François Legault, qui avait déclaré quelques jours avant son élection à la tête du gouvernement, en 2018, que Guy Ouellette aurait fourni en 2016 à sa formation politique des informations compromettantes sur le Parti libéral, alors au gouvernement. Des révélations fracassantes, affirmant que M. Ouellette parlait aux oppositions, ce qui pour rappel avait causé son expulsion du caucus du Parti libéral.
Durant l’entrevue le jour du lancement de « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse », le 1er septembre, et en réponse à François Legault, Guy Ouellette a désavoué le Premier ministre du Québec : «Je ne suis pas une source de la CAQ. Il y a des informations qui nous sont parvenues dans les dernières heures. Il y a des choses qui s’en viennent dans les prochains jours concernant ces courriels et la déclaration de M. Legault. Il y a des choses qui s’en viennent», a lancé le député de Chomedey, espérant que le Premier ministre s’excusera publiquement pour le tort qu’il lui a causé. «Je veux qu’il se lève à l’Assemblée nationale et qu’il s’excuse pour les faussetés qu’il a répandues durant la campagne électorale. Je veux qu’il s’excuse au nom des institutions.»
Quant à la nouvelle cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, qu’il qualifie de « pure opportuniste capable de manigances sournoises de basse politique », cette dernière s’est entêtée à dire que « Guy Ouellette demeurait exclu de son caucus et qu’aucune position n’a changé par rapport à ça», peu avant le point de presse animé jeudi par l’ancien conseiller en crime organisé.
Guy Ouellette : « Ma priorité est de rebâtir ma vie »
Lors d’un point de presse animé jeudi sur la parution de son livre, outre ses révélations sur les dessous de son arrestation qu’il qualifie d’illégale, l’ancien policier de la sûreté du Québec s’est défendu d’avoir voulu faire du financement sectoriel et s’est prononcé sur son avenir politique. À la question s’il avait l’intention de se représenter aux prochaines élections, M. Ouellette a répondu : « Absolument », avant d’ajouter « J’apprécie pleinement aujourd’hui mon statut à l’Assemblée. Comme indépendant, j’ai la chance de participer, ça prend mon consentement pour plusieurs activités parlementaires […] Je ne suis pas à me poser la question pour quel parti où est-ce que je devrais aller dans un parti ou pas. Je me concentre présentement à regagner mon intégrité et faire avancer les poursuites contre le gouvernement ».
Tout en affirmant que désormais, sa priorité est de « rebâtir sa vie », Guy Ouellette reste serein face à ces accusations qui traînent maintenant depuis trois ans. «J’ai toujours exercé mes fonctions de président de commission parlementaire avec objectivité, rigueur et intégrité. Je ne me suis jamais senti en conflit d’intérêts, je n’ai jamais ressenti quelque doute que ce soit relativement à mes fonctions parlementaires », a affirmé Guy Ouellette jeudi, avant de conclure solennellement : «Je n’ai rien à me reprocher».
Hamid Si Ahmed