Avec une reprise économique rapide et vigoureuse, en forme d’un V (la Banque du Canada prévoit un taux de croissance de 6% en 2021), malgré un ralentissement au deuxième trimestre en raison des contraintes sanitaires et de production dans le secteur automobile liée à la pénurie des puces informatiques, l’économie canadienne fait face au phénomène de la rareté de main d’œuvre.
S’agit-il d’une pénurie temporaire causée collatéralement par l’aide gouvernementale (PCU et PCRE) aux travailleurs touchés par la pandémie ou bien d’une pénurie liée aux facteurs structurels ? Nous ferons ici le point sur ce phénomène qui risque de freiner la reprise économique et dissuader les entreprises dans leur effort d’investissement !
Pénurie de main d’œuvre : facteurs explicatifs
En effet, beaucoup d’entreprises, notamment dans les secteurs du commerce de détail et de la restauration qui emploient au salaire minimum, voient dans l’aide gouvernementale une entrave au recrutement de la main d’œuvre. À vrai dire, la Prestation canadienne de relance économique (PCRE) était jusqu’à juillet supérieure à ce que gagne un ouvrier à temps plein au salaire minimum, ce qui dissuadait le retour au travail. Les tenants de cette hypothèse, partagée par certains économistes, argumentent par le fait que le taux de chômage est encore élevé (7,5% en août) et que l’économie ne roule pas à plein régime. Un autre fait corrobore cette hypothèse, il s’agit de taux de chômage de longue durée qui représente, selon Statistique Canada, 27,8% du chômage total en juillet. Les chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus de six mois) sont plus nombreux par rapport à ceux d’avant la pandémie (244 000 de plus en juillet). Par ailleurs, le ralentissement de l’immigration depuis le début de la pandémie a aggravé cette pénurie. Comme l’a prévu le rapport de la Banque Royale (août 2020), intitulé : « Le rêve canadien repoussé : Une reprise de l’immigration est peu probable à court terme », (voir L’initiative, octobre 2020) l’effet du ralentissement de l’immigration en raison de la COVID-19 sur l’économie canadienne et ses défis démographiques est plus palpable cette année. Rappelons-le, les mesures de confinement et la fermeture des frontières ont ralenti le traitement des demandes des candidats désirant immigrer au Canada et leur établissement au pays. Le gouvernement du Canada, qui tablait sur un plan record visant à accueillir 370 000 immigrants en 2020, le pays a accueilli 184 370 résidents permanents soit seulement, 49,8% de l’objectif. Il s’agit du niveau d’immigration le plus bas depuis 1998 où le Canada a accueilli 174 000 immigrants. Le ralentissement de l’immigration n’a pas seulement accentué la rareté de main d’œuvre, mais révèle les facteurs structurels de ce phénomène, notamment le vieillissement de la population qui est l’un des grands défis démographiques auquel le Canada fait face en cette décennie.
Pénurie de main d’œuvre : quelles solutions ?
Durant la pandémie, les entreprises canadiennes ont constitué un matelas financier estimé à 130 milliards de dollars par la CIBC et sont prêtes à investir pour capter une épargne pléthorique (180 G$) accumulée en 2020 par les ménages, mais ce désir d’investir risque d’être entravé par la pénurie de main d’œuvre.
De côté des entreprises qui veulent des remèdes rapides à cette pénurie, proposent déjà des attraits pour séduire la main d’œuvre (primes à l’embauche, avantages sociaux, hausse des salaires…), mais ces solutions n’augmentent pas le bassin des travailleurs. De côté des institutions et spécialistes, les solutions proposées s’articulent autour de trois ingrédients : formation (Adapter les programmes de formation aux besoins du marché du travail), innovation (Investir dans les technologies numériques et la robotisation) et immigration (Augmenter les seuils d’immigration et faciliter la reconnaissance des acquis et compétences).
Sofiane Idir