Une langue est-elle le révélateur d’une identité ou juste des mots prononcés à un moment où l’esprit éprouve le besoin de s’exprimer ?

Hadia Decharriere dans son roman Arabe[1] raconte le personnage de Maya. Une française de vingt-huit ans qui, à son réveil parle l’arabe. Cette langue qu’elle n’a pas apprise atterrit spontanément en elle, lui procurant une joie très profonde. Pour comprendre ce qui lui arrive, l’auteure a imaginé une situation où Il fallait décortiquer ce qui se passe dans son corps pour mieux le traiter. Après avoir passé des examens médicaux, le résultat est rédigé : « Aphasie. Tumeur Bénigne. Syndrome compulsif de la langue étrangère. Aire de Broca. Hémisphère droit. Exérèse. Aire de Wernicke. Anesthésie locale, état conscient »[2].

  • La transmission taciturne

  L’origine se détermine par le lieu de naissance ou par ce qui l’a marquée ? C’est sur cette interrogation que repose le roman Arabe. Maya, fille d’Edmond et de Michelle, est le prétexte qui explore les tréfonds. Tout au long du roman, le lecteur est face à un flux de questionnements qui l’incitent à aller jusqu’au bout. C’est à la page 146 que le père de Maya raconte : « J’ai recommencé cette lettre cent fois. J’aurais sans doute dû, mais je n’ai pas su, lorsque tu m’as appelé cet après-midi, t’offrir ce que jamais tu n’as questionné, mon passé ». Alors qu’Edmond n’avait que dix ans, son père : « fut nommé ambassadeur de France à Damas en 1964 »[3]. Cette présence sur le sol syrien a insufflé en Edmond toute une culture, une saveur. Il se souvient : « A l’école, pour la première fois de ma scolarité, j’avais une maîtresse. Elle s’appelait Salwa. Je l’écoulais avec émoi, en français dispensant les leçons de littérature et d’algèbre, puis en cours d’arabe, m’enseigner la langue de ses ancêtres. Son odeur m’envoutait, la peau de celle qui m’avait surnommé mimosa sentait le musc et le jasmin »[4]. En 1965, le président Gamal Abdel Nasser a déclaré la nationalisation du canal de Suez, signant l’indépendance de l’Egypte et du monde arabe face aux puissances occidentales. La France a retiré ainsi ses représentants diplomatiques du Moyen-Orient. Le retour au pays n’a pas été des plus simples : « Arraché à ma terre j’étais déraciné, de retour dans mon pays j’étais un étranger »[5]. Ce sentiment qui éclot dans un univers où le déplacement s’impose cherche à s’étendre dans des âmes dont l’ouïe loge dans les cœurs. La langue qui fait vibrer l’écoute dans ses propres racines, confirme que les mots sont dotés d’une affection, d’une attention. Ils transportent un vécu agrémenté d’événements qui cherchent à se faire voir. Ce qui a permis à Edmond de rendre visite à son passé : « Maya ressemble à ce qu’Edmond n’aurait jamais réussi à être si sa fille ne s’était pas, un matin, réveillée en parlant arabe »[6]. Elle répète avec fierté : « Ana fransaouiye, ou albi arabi »[7]. Si elle est française son cœur est arabe.

Cette présence sur le sol syrien a insufflé en Edmond toute une culture, une saveur. Il se souvient : « A l’école, pour la première fois de ma scolarité, j’avais une maîtresse. Elle s’appelait Salwa. Je l’écoulais avec émoi, en français dispensant les leçons de littérature et d’algèbre, puis en cours d’arabe, m’enseigner la langue de ses ancêtres. Son odeur m’envoutait, la peau de celle qui m’avait surnommé mimosa sentait le musc et le jasmin »[4]. En 1965, le président Gamal Abdel Nasser a déclaré la nationalisation du canal du canal de Suez, signant l’indépendance de l’Égypte et du monde arabe face aux puissances occidentales. La France a retiré ainsi ses représentants diplomatiques du Moyen-Orient. Le retour au pays n’a pas été des plus simples : « Arraché à ma terre j’étais déraciné, de retour dans mon pays j’étais un étranger »[5]. Ce sentiment qui éclot dans un univers où le déplacement s’impose cherche à s’étendre dans des âmes dont l’ouïe loge dans les cœurs. La langue qui fait vibrer l’écoute dans ses propres racines, confirme que les mots sont dotés d’une affection, d’une attention. Ils transportent un vécu agrémenté d’événements qui cherchent à se faire voir. Ce qui a permis à Edmond de rendre visite à son passé c’est bien sa fille : « Maya ressemble à ce qu’Edmond n’aurait jamais réussi à être si sa fille ne s’était pas, un matin, réveillée en parlant arabe »[6]. Elle répète avec fierté : « Ana fransaouiye, ou albi arabi »[7]. Si elle est française son cœur est arabe.

Lamia Bereksi Meddahi


[1] Ed/JC Lattès, 2019.

[2] Id, p. 139.

[3] Ibid, p. 148.

[4] Ibid, p. 149.

[5] Ibid, p. 150.

[6] Ibid, p. 160.

[7] Ibid, p. 162.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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