Le romancier Yasmina Khadra qui n’est plus à présenter vient de publier Dieu n’habite pas La Havane[1]. Le personnage principal dit : « Je m’appelle Juan Del Monte Javana et j’ai cinquante- neuf ans. Dans le métier, on me surnomme « Don Fuego » parce que je mets le feu dans les cabarets où je me produis. C’est ma mère qui m’a initié au chant »[2]. Le succès est vécu avec ferveur mais il est de courte durée puisque là il se produit, c’est-à-dire Le Buena Vista. L’ancien propriétaire a convié Juan en déclarant : « Notre bonne vieille boîte passe la main, mon ami »[3]. Dans cette privatisation, c’est tout un système qui est remis en cause tel qu’est écrit : « La loi du marché n’est que la forme moderne de la loi de la jungle »[4]. Ce renversement de situation a mis « Don Fuego » en situation de chômage qui le confronte à la réalité telle qu’elle est vécue par la majorité. Il est hébergé : « J’habite chez ma sœur Serena, dans une maison qui a dû être somptueuse naguère avant de tomber sous le régime des biens vacants. En réalité, nous sommes douze personnes à vivre sous le même toit : Serena, Javier, son mari, et leurs trois enfants ; Pilar, la sœur de Javier, son époux Augusto et leur bébé ; Lourdes, une cousine venue de la campagne soigner son arthrose et qui oublie de rentrer chez elle ; Ricardo, mon fils de dix-huit ans, et moi »[5].
Une rencontre change le parcours d’une vie
Juan Del Monte Javana exprime ce qu’il ressent : « Ce que je ressens pour Mayensi, je ne l’ai jamais éprouvé avant. Bien qu’elle ne fasse que le tiers de mon âge, elle possède déjà une bonne partie de mon âme »[6]. Lui qui a chanté pendant trente- cinq ans et qui a vécu plusieurs épreuves se retrouve face à une jeune fille de vingt ans ébranlant toutes ses convictions. Cette belle jeune fille qui selon sa mère ne s’appelle pas Mayensi mais Candela : « était une fille pénible. Elle n’avait d’yeux que pour son père »[7]. Quand le père est décédé dans un naufrage, la fille a souffert et de surcroît lorsque sa mère raconte : « J’avais besoin d’un mari. Quand Pablito s’est présenté, j’ai dit oui les yeux fermés. Pour Candela, c’était le pire des sacrilèges, le crime de trop »[8].
Le chanteur connu sous le nom de « Don Fuego » est placé dans une aventure humaine où l’art et l’amour cohabitent pour démontrer que celui qui n’a pas les moyens pour avancer ses pas et condamné à supporter ce qu’il n’aime pas.
[1] Ed/Julliard, 2016.
[2] Id, p. 13.
[3] Ibid, P. 23.
[4] Ibid, p. 77.
[5] Ibid, p. 55.
[6] Ibid, p. 143.
[7] Ibid, p. 263.
[8] Ibid, p. 266.