Quand les pressions sont au summum, l’humour se charge de faire baisser les tensions. Dans En attendant Bojangles[1] l’auteur prend comme base la chanson de Nina Simon Mister Bojangles pour devenir une réflexion sur la manière de rompre la monotonie et la façon dont l’être humain procède pour ne pas sombrer. L’enfant raconte ce qu’il constatait : « C’était le seul disque qui avait le droit de tourner sur l’appareil, les autres musiques devaient se réfugier dans une chaîne hifi plus moderne et un peu terne. Cette musique était vraiment folle, elle était triste et gaie en même temps, et elle mettait ma mère dans le même état. Elle durait longtemps mais s’arrêtait toujours trop vite et ma mère s’écriait : « Remettons Bojangles ! » en tapant vraiment dans ses mains »[2]. Pris comme témoin des supercheries de ses parents, ce rejeton est souvent étonné : « Nous aussi, nous avons eu notre lot de fous rire tristes. Lors d’un dîner durant lequel un invité n’arrêtait pas de dire « je parie mon slip » à chaque fois qu’il affirmait quelque chose, nous avons vu Maman se lever, remonter sa jupe, baisser sa culotte, l’enlever et la jeter au visage du parieur, pile-poil sur le nez. La culotte avait volé, traversé la table en silence et atterri sur son nez. C’était arrivé comme ça, pendant le dîne. Après un court silence, une dame s’exclama : -Mais elle perd la tête ! Ce à quoi ma mère lui répondit, après avoir vidé d’un trait son verre : -Non madame, je ne perds pas la tête, dans le pire des cas je perds ma culotte »[3].
Les parents sont- ils toujours le modèle à suivre ?
Dans une ambiance décalée de la réalité, le papa Georges qui : « n’était ni juge, ni député, ni notaire, ni avocat, il n’était rien de tout ça. Son activité, c’est grâce à son ami le sénateur qu’il pouvait l’exercer. Tenu informé à la source des nouvelles dispositions législatives, il s’était engouffré dans une nouvelle profession créée de toutes pièces par le sénateur. Nouvelles normes, nouveau métier. C’est ainsi qu’il devient « ouvreur de garages »[4] s’adressait à son fils avec un sens aigu de moquerie : « En face du canapé, sur une vieille malle de voyage pleine d’autocollants de capitales, se trouvait un petit téléviseur moisi qui ne fonctionnait plus très bien. Sur toutes les chaînes passaient des images de fourmilières en gris, en noir, en blanc. Pour le punir de ses mauvais programmes, mon père l’avait chapeauté d’un bonnet d’âne. Parfois il me disait : -Si tu n’es pas sage, j’allume la télévision ! »[5]. Alors que le monde dans lequel nous vivons use de la technologie de toutes sortes, allumer la télévision dans En attendant Bojongles devient une punition. L’enfant dont la mère se faisait appeler par son mari de différents prénoms : « Donnez-moi le prénom qui vous chante ! Mais je vous en prie, amusez-moi, faîtes-moi rire »[6] se trouvait dans des situations où il avait du mal à comprendre l’attitude de ses parents : « Après m’avoir retiré de l’école, mes parents me disaient souvent qu’ils m’avaient offert une belle retraite anticipée. – Tu es certainement le retraité le plus jeune du monde ! disait mon père avec ce rire d’enfant qu’ont parfois les grands, du moins mes parents »[7].
Dans un contexte comique le roman d’Olivier Bourdeaut guide le lecteur pour aboutir à une situation tragique.
[1] Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, Ed/Finitude, 2015.
[2] Id, p. 16.
[3] Ibid, pp : 64-65.
[4] Ibid, p. 8.
[5] Id, p. 17.
[6] Ibid, p. 26.
[7] Ibid, p. 43.