Daniel Baril, a joint l’équipe de l’Institut de Coopération pour l’Éducation des Adultes (ICÉA) en 2000 comme chercheur, puis comme agent de recherche, avant d’être nommé dernièrement Directeur Général de l’institut. Monsieur Baril, qui défend le rôle important de l’ICÉA dans une société qui exige de plus en plus avoir des compétences chez les individus pour être accepter a bien voulu répondre à quelques questions : 

L’initiative : Quel est la mission principale de l’ICÉA? 

Daniel Baril : L’ICÉA est un organisme qui a presque soixante-dix ans. Il a eu toujours la même mission de réunir tous les acteurs de l’éducation des adultes au Québec, que ce soit dans le milieu scolaire, communautaire, dans le monde de l’entreprise ou celui de la recherche ou même au niveau des individus. Notre mission est de faire la promotion et la défense des droits des adultes à l’apprentissage. En fait, le rôle de l’ICÉA est d’absorber tout ce qui se passe dans le monde de l’éducation des adultes et d’en faire la promotion au niveau de gouvernement. Notre rôle est de connaitre les politiques et de les analyser en soulignant les bons et les mauvais côtés. Le but est de donner une compréhension large et juste de l’éducation des adultes pour tous les acteurs. En même temps, l’ICÉA travaille sur les échelles; locales, nationales et internationales, pour échanger les expériences, ce qui permet d’alimenter la pratique et la réflexion dans les groupes locaux et à l’inverse, nous portons les expériences Québécoises au niveau international et national. 

Plusieurs termes pourraient être évoqués en parlant de l’éducation des adultes telles que la formation continue, l’éducation permanente, l’éducation postsecondaire, l’éducation récurrente etc. Quelle est la différence entre ces termes et le terme « Éducation des adultes » ? 

Le terme de « l’éducation des adultes » est le terme générique qui englobe l’ensemble de tous les apprentissages que les adultes peuvent faire.

Le terme « formation continue » réfère à la formation de l’entreprise.

Les autres termes sont des mots utilisés dans le passé. Dans les années soixante on trouve de « l’éducation récurrente » et « l’éducation permanente », qui sont apparu dans les années cinquante et soixante, « l’éducation post scolaire » qui signifie l’éducation après l’école est un terme encore plus ancien qui est apparu dans les années trente. Les gens emploient aussi le terme « l’éducation tout au long de la vie » qui n’est pas un synonyme de l’éducation des adultes mais c’est à la fois l’éducation des jeunes et l’éducation des adultes. Cela veut dire dans la durée du parcours de l’apprentissage d’un individu, de la formation initiale de jeune jusqu’a l’éducation des adultes. L’éducation postsecondaire c’est les Cégeps et les universités au Québec, mais ce terme réfère autant aux jeunes qu’aux adultes. 

Quelle-est la définition d’un « adulte »? 

Dans la loi sur l’instruction publique au Québec, un adulte est défini comme toute personne qui a seize ans et plus, qui peut aller dans les centres d’éducation des adultes. Il y a une autre définition qui souligne que l’éducation des adultes est tout ce qui touche aux personnes qui ont vingt-cinq ans et plus pour soustraire les étudiants à l’université en formation initiale donc ceux qui ont fait leur Cégep. En fait, cette définition n’est pas tout-à-fait correcte parce qu’elle oublie tous ceux qui sont dans le marché du travail à dix-huit ans et qui sont des adultes mais qui ne sont plus en formation initiale. Il existe une autre définition, un peu technique, qui est utilisée dans certains programmes « d’avoir interrompue ses études pendant au moins deux ans » donc cela inclue toute personne, qui a arrêté l’école avec ou sans avoir un diplôme pendant deux ans, qui y retourne et qui est vu comme adulte. 

L’éducation des adultes inclue-t-elle les immigrants aux Québec? 

Toute personne qu’elle soit immigrante ou non a le droit d’avoir un accès à l’éducation des adultes. Dans le monde de l’éducation des adultes, il y a des programmes qui sont disponibles juste pour les immigrants. Comme le programme de « Fast-track » qui veut dire qu’il y a une évaluation de diplôme des nouveaux arrivants et de leur compétence. Le programme « Fast-track » leur permet d’accéder à des cours pour harmoniser leurs études aux diplômes Québécois. Fast-track va permettre d’aller chercher juste les cours manquants pour avoir un diplôme Québécois. C’est un exemple sur des mesures qui sont offertes aux immigrants. Il y a aussi les cours de francisation, la reconnaissance des acquis et le programme d’accès à la formation manquante. Tout cela fait partie de l’éducation des adultes. 

Est-ce que l’éducation des adultes coûte cher? 

Finir son secondaire c’est gratuit, le Cegep est gratuit sauf si ce sont des programmes aux entreprises; normalement dans ce cas c’est l’entreprise qui paye la formation. Les Formations qui sont dans les groupes communautaires pourraient avoir des petits frais, mais d’une façon générale l’éducation des adultes est gratuite quand elle est dans le réseau public. À l’université il y a des frais, qui sont pour tous. Cette partie là, comme les communautés, reçoit une subvention du gouvernement qui permet de rendre la formation gratuite. Comme par exemple les activités de l’alphabétisation ou la formations de francisation qui ont organisé par des centres communautaires. Le gouvernement supporte aussi ces groupes indirectement au niveau de la fiscalité à hauteur de 80 % du coût réel des études universitaires. Évidement, il y a aussi des boites privées pour l’éducation des adultes. Dans ce cas-là c’est un grand marché et les formations sont payantes tels que les cours de conduite, les cours d’anglais, les cours d’informatiques etc. 

Le gouvernement Fédéral a fait des coupures dans le domaine de l’éducation. Comment cela peut infecter l’éducation des adultes? 

Le gouvernement Fédéral subventionnait plusieurs groupes en alphabétisation. Quand le gouvernement fédéral réduit ou met fin à cette subvention, il provoque deux choses: soit ces groupes ne sont plus capables de survivre et ils meurent. Dans ce cas, la conséquence est une réduction de l’offre de service. Soit les groupes seront obligés de charger les participants des frais pour réussir à survivre et du coup, il y aura des gens qui ne pourront plus payer leurs frais de scolarité. Ce qui est clair c’est que dans les deux cas il y a un effet réel sur l’accessibilité. Il faut rappeler que cela est dramatique parce qu’il y a des gens qui ne savent ni lire ni écrire. Cela veut dire que ces coupures budgétaires du gouvernement fédéral ont un effet direct sur l’offre de service de ces groupes et malheureusement cet effet négatif n’est pas encore documenté. Justement, en ce qui concerne ce point, l’ICÉA va documenter l’effet des coupures pour voir de combien d’argent disposent les groupes? Quels genres de décision ont-ils dû prendre pour s’ajuster, comme par exemple mettre des gens dehors, fermer des services ou les réduire etc.? On pose aussi les questions pour connaitre les conséquences que peut subir une personne qui utilise ce service. Tout cela pour dire au gouvernement fédéral que vous coupez en essayant d’équilibrer les finances publiques mais cela ne sera pas sans effet. Il faut demander au gouvernement s’il est conscient des conséquences et s’il assume l’effet de ses décisions.

Pourquoi en 2015 notre société aurait-elle besoin des services d’une organisation comme l’ICÉA?

Dans les années trente quand l’ICÉA a été créée, il y avait un besoin de donner une formation de base à quasiment 80% de la population pour qu’ils puissent accéder à l’apprentissage tout au long de leur vie. De nos jours, nous avons autour de 15% de la population qui a un sérieux problème à pouvoir fonctionner dans la « société du savoir ». D’autant que les connaissances et les compétences sont des facteurs d’inclusion. Si vous ne savez pas lire et que vous ne possédez pas la compétence qui permet votre inclusion. Il y a une barrière qui fait que savoir lire et écrire de nos jours est devenu une condition pour pouvoir entrer et réussir à franchir cette barrière, parce que la société a fait des connaissances une condition d’inclusion. Un organisme comme l’ICÉA doit rappeler cet état de fait, car l’éducation des adultes dans ce contexte est encore plus importante que jamais. Le fait de ne pas accéder au savoir ou bien ne pas pouvoir développer ses compétences cela conduit à la discrimination systémique. La société est construite sur le savoir, sur des compétences telles que la lecture, l’écriture et l’utilisation de l’informatique. Si vous avez ces compétences vous serez à l’aise dans la société, et si vous ne les avez pas vous allez être en marge de la société. De nos jours, ne pas lire veut dire ne pas pouvoir utiliser Internet, et cela veut dire plus de portes fermées des pertes de potentiel. Notre mission est de dire que nous sommes une société qui a fait du « savoir » un facteur d’inclusion et d’exclusion et notre rôle est de proposer des solutions pour que tous les adultes, les plus vulnérables, puissent accéder à la connaissance pour vivre dans la société sans être marginalisés.

Propos recueillis par Akhlasse Hamdan

akhlasse.hamdan@linitiative.ca

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