A qui s’adressent vos poèmes ?

L’Amour des feux est avant tout une histoire, chaque texte constituant un épisode d’une série qui en fait, est destinée à toutes les franges. Du jeune adolescent au militant politique, en passant par l’intellectuel qui essaye de porter un regard critique sur la société. On retrouve dans chacun des poèmes une facette de notre quotidien. 

Quel est le message que vous voulez transmettre ?

Une autre manière de vivre. Lutter perpétuellement même au prix des sacrifices suprêmes. Si le feu est souvent perçu comme un symbole de la mort, de la mise à ruine, de l’incinération, j’ai vu en lui un signe de régénérescence, et ce n’est pas fortuit. Un jeune s’est immolé à Sidi Bouzid et c’est tout le pays qui a mené la révolution du Jasmin. Comme quoi, le jasmin ne se nourrit pas que d’eau fraîche. 

Dans votre livre, ou se situe le véritable vécu par rapport à votre imagination ?

L’histoire dans son ensemble est imaginaire, mais qui aurait pu être vécue par chacun parmi nous. L’acteur du livre est un jeune qui a été incarcéré et jugé, car on lui reproche d’avoir aimé. Mais les événements qui ont succédé reflètent bien une réalité. L’injustice est réelle, le regard porté par la société sur l’amour, sur le bonheur sont exprimés d’une manière réelle dans le livre. Ajouté à cela, le fait d’aborder les Harraga, un phénomène social, la révolution du 22 février, et la volonté des peuples de s’émanciper et de se départir de la régression imposée. Ceci dit, le lecteur peut retrouver la réalité dans l’imaginaire comme il pourra créer des images au milieu de la réalité. 

Qu’est-ce qui vous a le plus inspiré avant de commencer à écrire l’Amour des feux ?

L’Amour des feux a pris huit ans pour devenir ce qu’il est devenu aujourd’hui. Effectivement, le texte introductif qui a constitué le socle de l’histoire a été imaginé certes, mais il y’a eu par la suite l’immolation d’un jeune tunisien qui a fait renaitre la flamme révolutionnaire dans son pays. Il y’a eu également l’épisode des jeunes de Rais Hamidou qui se sont noyés en essayant de traverser la mer à la recherche de jours meilleurs, et bien sûr, le 22 février est venu et cela a inspiré plus d’un texte, l’un d’eux je me rappelle, a été écrit entre deux séances de préparation de banderoles à la veille d’une marche populaire (rires).

Quel est le facteur commun entre celui qui est jugé pour ses sentiments et celui qui lutte pour sa liberté et sa dignité ?

La détermination, sans aucun doute, qui permet à chacun de se surpasser, de franchir les obstacles et d’aller jusqu’au bout. Le don de soi, la générosité et le sens du sacrifice. Combattre la douleur par le sourire, je l’ai ressenti en racontant l’histoire de notre jeune, je l’ai ressenti en voyant ces millions de compatriotes crier dans la rue leur soif de justice, de liberté et de dignité. 

Lorsque vous écriviez votre livre, dans la peau de quel personnage vous sentiez-vous le plus, le militant, l’homme de lettre, ou tout simplement le citoyen algérien ?

Un proverbe de chez nous dit « yal tafsut, s tefsut-is ». Traduit, cela peut donner « À chaque saison son printemps ». Je veux dire qu’à chaque texte son ressenti. Je me mets dans la peau du jeune qu’on juge, dans sa peau lorsqu’il se retrouve entre quatre murs, dans la peau des prisonniers qu’il raconte, et qui chacun, est emprisonné pour un fait différent des autres.

Quand je marche avec mes concitoyens, je ne peux être que citoyen comme eux, quoique ma formation de psychologue social me pousse à observer les comportements sous un autre angle, mais je me mets et je me retrouve dans la peau de chacun, chacune qui s’exprime par amour envers notre cher pays.

Aussi de par mon parcours militant, je ne peux rester insensible face aux hommes et aux femmes qui luttent, aux étudiants qui se battent et qui mettent en avant leurs revendications légitimes. 

Quel lien faites-vous entre le condamné et l’opprimé, et entre l’amoureux et le révolté ?

C’est de l’oppression que jaillit la révolte, surtout lorsque cette oppression nous touche dans ce qui est cher pour nous. L’amoureux à qui on dénie son droit d’aimer ne peut que se révolter, de même que le citoyen à qui on dénie sa citoyenneté. Qui sème l’oppression récolte la colère. 

Est-ce que Jugurtha se limitera à la poésie dans cette aventure littéraire entamée, et quels sont vos futurs projets en tant qu’auteur ?

Si j’ai choisi la poésie pour ma première œuvre, c’est pour attirer le maximum de jeunes vers la lecture, une jeunesse qui cherche le beau pour comprendre le vrai. Néanmoins, je compte verser dans d’autres styles, notamment un essai sur la situation politique du pays qui est en voie de réalisation. Je n’écarte pas toutefois de continuer d’écrire la poésie, pourquoi pas la suite de l’Amour des feux.

Comment voyez-vous l’Algérie de demain, êtes-vous optimiste ?

L’Algérie de demain sera ce que ses enfants en feront. À voir la déferlante citoyenne dans la rue, nous ne pouvons qu’être optimiste pour l’avenir. Un peuple pareil ne peut être réduit à jouer les seconds rôles. Il veut construire son pays et il le fera, dans la fraternité, dans l’union, dans la solidarité. Lorsque des millions crient « ya Ali Ammar (Ali la pointe), bladi f danger », ça sonne comme un éveil de conscience. Lorsque des millions crient : « hna wlad Amirouche, marche arrière ma nwellouch » ça sonne comme une détermination infaillible. Autant l’espoir est Algérien, impossible ne l’est pas et ne le sera pas. L’Algérie de demain sera qu’on le veuille ou non, libre et démocratique.

Entretien réalisé par Hamid Si Ahmed

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