Algérie (Tizi-Ouzou) – L’amour de la patrie peut se résumer en une flamme qui jaillit en chacun de nous, du plus profond de l’être, un sentiment à part, qui permet à bon nombre de personnes se sentant opprimé, de s’accrocher à un idéal, à un espoir.

Ou bien l’amour tout court, cette étincelle qui réanime chacun de nous lorsque l’esprit ressent ce besoin de s’ouvrir à autrui, quand le cœur bat pour une charmante créature, pour une idée, pour un lendemain meilleur. Des principes que nul ne peut réprimander, ne peuvent nier tant que sur cette terre, les âmes continueront de croire en la clarté et les bienfaits du créateur. Jugurtha Abbou est de ceux qui croient en cette fidélité au principe élémentaire d’une nation, du sentiment de devoir et d’honnêteté envers ce que nous procure comme réconfort ce sentiment d’appartenance géographique et historique à tout un pays.

Psychologue de formation, précédemment enseignant à l’université de Tizi-Ouzou et actuellement cadre dans une société publique, Jugurtha consacre néanmoins de son temps, à son devoir de militant politique. En ces temps de révolte populaire en Algérie, depuis que plus des trois quarts de la population se sont levés comme un seul homme, au nom de ce patriotisme et de cet amour que partage tout un peuple, entre amertume et espoir, les récits ne manquent guère à définir la situation socio-économique et culturelle de l’Algérie. L’illustration parfaite du vécu des générations qui se succèdent, ont en effet été éclairé la plupart du temps par les gens de lettre et autres historiens et sociologues. Jugurtha fait partie de ceux-là, et pour mieux comprendre son message, il faut comprendre l’homme qui se cache derrière ce littéraire passionné, qui n’a jamais manqué l’occasion de contribuer par d’autres efforts, à la reconstruction d’un pays en quête de liberté sociale et culturelle.

Comme pour faire ressortir tout cet excédent de rancœur et d’amertume, notre poète se transforme en chevalier de l’amour, lui qui pourtant a toujours puisé ses mots, dans la mélancolie des âmes sensibles. Cet amour qui n’a trouvé refuge ni dans la paix sociale, ni dans l’épanouissement matériel. L’amour des feux nous emmène là où commence le désespoir, ou les anges du ciel, sont les seuls confidents des cœurs et âmes oppressées.

Le dernier salon international du livre (SILA), organisé à la SAFEX d’Alger, du 25 octobre au 5 novembre, fut l’occasion pour Jugurtha, de faire la promotion de son livre, à l’issue de chaleureuses dédiasses. Invité de la Radio régionale de Tizi-Ouzou, samedi 7 décembre dernier, l’auteur de L’amour des feux en a profité pour expliquer la source de son inspiration et le public visé à travers cette œuvre littéraire.

En sa compagnie, Jugurtha nous a emmené au plus profond de sa pensée, là où il a choisi chaque mot de ses poèmes, nous avons senti cette chaleur qui se dégageait de cette personne au cœur embrasé par les feux de l’espoir et du bien-être des personnes de son entourage, mais aussi de tout un pays. L’histoire du vécu de tout un peuple, à travers des récits mélancoliques, mais inspirant pour une vie épanouie et juste. Jugurtha nous dira au tout début de notre rencontre : 

« L’Amour des Feux est le premier livre que je viens de publier, une histoire sous forme de poésie, ou chaque texte fait office d’un épisode. C’est l’histoire d’un jeune qui a fait objet d’une arrestation puis d’un procès judiciaire. Son tort ? Avoir aimé.

« Monsieur le juge, messieurs les jurés

 Je suis prêt à vous le jurer

Quelle que soit votre sentence,

Je l’adorerai … »

A quel point notre jeune amoureux défiera-t-il les lois, les juges et le pénitencier ? L’amour des feux nous le dira…

L’histoire nous emmène vers plusieurs destinations emplies d’aventures tout en évoquant le phénomène des « Harraga », la révolution du 22 février et le rêve d’une Algérie heureuse. Le texte aborde les événements de 2011, connus sous le nom de « révolution du jasmin », lorsqu’un jeune tunisien s’est immolé et que son feu a fait renaitre la flamme révolutionnaire dans son pays, c’est ce qui a sans doute inspiré le titre du livre. Evidemment, l’histoire ne parle pas que de ça, il y’a de l’amour à l’intérieur, plein d’amour. Celui que porte un jeune envers sa dulcinée, qui lui a couté sa liberté d’ailleurs, l’amour que porte un jeune envers ses parents dont l’un est mort alors qu’il était en prison, l’amour que porte un jeune envers ses proches….

L’amour des feux est un plaidoyer pour l’amour, un hymne à la liberté et un texte de résistance », nous résume l’enfant du Djurdjura, le militant engagé.

Un roman fragmenté sur les souffrances d’une liberté bafouée, écrasée par l’obscurantisme intellectuel, par l’ignorance vicieuse qui brûle toutes les âmes de l’amour sur son passage, lorsque l’esprit se retrouve seul à combattre l’injustice. Que reproche donc cette loi suprême à ce jeune passionné, qui le raconte en toute innocence, ne cessant de revendiquer haut et fort, que justice soit faite sur cette raison d’être, sans mettre un voile sur ses sentiments profonds. Pourquoi sacrifier deux cœurs en pleine fusion, comme si aimer devenait un pêché, un acte criminel. Une injustice qui s’abat ainsi sur cet homme à qui l’on reproche de vouloir chérir celle qui le fait vivre en le rendant chaque jour un peu plus fort.

L’amour interdit…

Comparé à un terroriste, accusé tel un vulgaire criminel, c’est l’histoire d’un jeune home victime de son propre amour, victime d’avoir accepté de chérir passionnément, dans une réalité devenue de plus en plus amère par l’inconscience et le mépris des « décideurs ».

« Un agent a alors crié :

Nous avons la preuve de ton terrorisme

Tu fais battre un cœur dépouillé

C’est la plus grande preuve d’intégrisme », décrit Jugurtha, pour illustrer comment s’est déroulée l’arrestation du personnage principale du livre. Une incarcération qui viendra chambouler une vraie histoire d’amour, celle qui était sensé réunir deux cœurs ardemment liés pour la vie. Mais l’emprisonnement n’aura jamais empêché le héros de cette histoire, de fléchir, en se résignant à poursuivre ce rêve passionnant, malgré les souffrances subies dans sa cellule. Il s’invite un nouveau monde qui lui permettra de poursuivre son idéal, celui d’atteindre le cœur de sa bien-aimée, même séparé, même éloignés l’un de l’autre. Même cloitré entre quatre murs, cette flamme continuera d’illuminer son âme.

« Le feu d’amour me brule encore

Et ne veut pas cesser de le faire

Le feu d’amour est tellement fort

Que je ne veux quitter mon enfer », ajoute Jugurtha dans son récit au parfum des amourettes brisées, comme pour décrire l’entêtement de ce jeune envers ce rêve qu’il caressera pour toujours, malgré les contraintes et les obstacles. Mais cette combativité, cette rage de dénoncer l’injustice et le mépris, cette énergie qui le rend chaque jour plus fort, finira bien par s’affaiblir, l’être humain étant vulnérable et fragile. L’auteur y fait référence dans son recueil, comme pour expliquer, que donc faire face à l’injustice et le supplice, une souffrance qui grandit et anéantis les âmes sensibles. Ici, Jugurtha en fait appel à la mère du condamné, pour y ajouter une touche maternelle, une touche de l’amour d’un enfant pour sa mère, dans des moments de détresse et de souffrance.

« Où es-tu maman adorée

Viens effacer les larmes de mes yeux

Viens maman me soulager

Viens maman je suis malheureux », enchaîne le poète algérien, avant de revenir sur cette pensée qu’aura le jeune amoureux envers sa bien-aimée, et la réponse de cette dernière.

Je vais bien, enfin, comme toujours

Je vis ma vie, au jour le jour…

Tant que mon regard voit

Une lune que je compare à toi »

Jugurtha se lâche dans un délire sentimental, il ne manque pas d’ajouter à cette belle aventure amoureuse, la présence féminine, à travers la déclaration d’amour de la dulcinée.

« Je ressens ta main je sens ton odeur

Ahhh ! Honte à ceux qui t’ont pris injustement»

En avançant dans ce livre, nous constatons que l’auteur veut changer de cap, en nous emmenant vers d’autres considérations, dont celles relatives à la dureté de la vie sous un régime totalitaire et oppressant, ou parfois, il est difficile de s’exprimer et d’aspirer à un lendemain meilleur. A titre significatif de cette misère qui atteint plusieurs d’algériens dans leur quête de liberté et d’épanouissement, l’auteur nous emmène dans le monde des « Harragas », ces jeunes qui n’ont trouvé d’issue que dans la fuite en avant, quitte à risquer leur vie. Un phénomène qui s’est amplifié en cette année civile ou des milliers de jeunes algériens ont risqué leur vie dans des embarcations de fortune, de simples barques munies de GPS, dans des traversées de la mer méditerranée, parfois, sans toujours arriver à bon port. Combien de jeunes innocents ont péris dans les eaux, suite à des tempêtes assassines ;

« Voilà que se rétrécit l’âme

Autant prendre les rames

Ö maman prie le Dieu si haut

Qu’il me guide vers ce bateau

Qui me fera traverser les eaux

Vers la ou s’effacent les maux », illustre si bien l’homme de lettre dans son rôle d’homme politique et militant pour la liberté individuelle et le droit à jouir des richesses de tout un pays.

Outre l’amour sacrifié et l’avenir compromis de millions de jeunes algériens, tant de privation subies par des générations d’individus meurtris par la dictature intellectuelle et la frustration matérielle, ce livre nous fait vivre le temps d’une lecture, d’autres évènements tragique de cette triste vie de certains humains appartenant à des régimes totalitaires. Qui pourrait oublier ce jour ou un jeune tunisien s’est immolé sur une place publique, comme pour dénoncer l’arbitraire de tout un système corrompu jusqu’à la moelle. Jugurtha, lui, ne l’a certainement pas oublié, y faisant référence dans son recueil.

« O cœur il est temps qu’on s’immole

Seul le feu nous sauvera de cette horreur

El Bouazizi est notre grande idole

Comme lui alors, défions la peur »

Jugurtha, et en vue de sensibiliser le plus grand nombre d’adeptes aux valeurs de dignité et de bravoure de tout un peuple écrasé dans sa façon de penser, d’agir et de s’impliquer dans le bien être de millions de personnes, aborde et cite en guise d’adieu aux lecteurs, cette dictature que l’homme libre combattra jusqu’à son dernier soupir.

« Pourquoi aurons-nous peur,

De ces minables dictateurs ? »

Enfin, en toute fin de recueil, Jugurtha Abbou salue à sa manière son excellence le peuple, seule source d’inspiration, et qui l’a toujours stimulé à écrire L’amour des feux.

« Lorsque le peuple comme un seul homme

Crie sa soif du changement

Veut en finir avec le fantôme

Réclame à vivre dignement » 

« Lorsque les Algériens dessinent

Une nouvelle ère de leur histoire

Lorsque les rues s’illuminent

Par ces marcheurs vers la gloire »

 

Hamid Si Ahmed

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