9 août 2008. Des jeunes jouant aux dés dans un parc de Montréal-Nord se font interpeller par des policiers. Une altercation s’ensuit. Quatre coups de balle résonnent. Deux jeunes hommes sont blessés. Le corps de Fredy Villanueva gît sur le sol. Il est mort. Et il est mort sous les balles de l’agent Jean-Loup Lapointe. L’opération n’a duré que soixante secondes.

Le « théâtre documentaire » est le work-in-progress d’un processus de réflexion. On ne nous donne pas de réponses. On nous pousse plutôt à réfléchir.

Dans le cas de l’assassinat de Fredy Villanueva (âgé de 18 ans au moment du drame), il y a, au moins, deux « vérités », voire deux versions, qui se confrontent. Deux vérités et un rapport d’enquête rendu public le 17 décembre 2013 : « Fredy Villanueva ne méritait pas de mourir ». Constat évident qui cherche à consoler la parenté de la victime. Il y a aussi des blâmes à tous les acteurs impliqués. Tous.

Ont-ils tous pour autant le même degré de responsabilité?

Le corps policier est une institution qui se doit d’être au service des citoyens. Comment se fait-il que des policiers impliqués dans un tel acte soient enquêtés par d’autres policiers? « Qui définit le rôle de la police? » nous lance-t-on comme question. Qui doit effectivement définir ce rôle? N’est-ce pas ce genre de procédé qui alimente un sentiment d’impunité chez la population dans ces cas qu’on appelle des bavures policières?

La pièce de Mme Soutar ne revendique pas ouvertement justice. Elle permet toutefois de comprendre les causes du blocage, et ce, au sein de l’enquête elle-même et aussi au sein de la société.

Elle révèle ainsi, au moyen de la recherche documentaire et de terrain, les rapports de force en place : l’enquête menée par la dramaturge montre de manière schématique d’un côté, une institution « publique » qui ferme la porte de manière trop cavalière aux interrogations et aux doutes quant à ses agissements, et d’un autre, un groupe d’individus, parents et militants regroupés sous le nom de Comité de soutien à la famille Villanueva, qui voulait tout simplement être entendu. Tracer le portrait honnête de la démarche révélant au grand jour des enjeux sociaux trop importants, voilà tout le mérite de cette œuvre.

La mise en scène sobre et épurée, jumelée au jeu impeccable des acteurs interpellent de trop près les spectateurs. Personne ne peut sortir indemne ni indifférent de l’expérience. Il y a en effet un cri contenu en sortant de la pièce qui est à la hauteur des enjeux sociaux posés par la démarche artistique. Fredy Villanueva n’est pas tombé « victime de son propre comportement ». Les balles de l’agent Lapointe sont précédées certes par la peur, l’indifférence, la stigmatisation, les préjugés, la pauvreté et un autoritarisme qui ne dit pas son nom. 

Fredy au Théâtre La Licorne jusqu’au samedi le 26 mars 2016

Production Porte-Parole en codiffusion avec La Manufacture

TEXTE : Annabel Soutar

MISE EN SCÈNE : Marc Beaupré

AVEC : Solo Fugère, Ricardo Lamour, Nicolas Michon, Iannicko N’Doua, Alice Pascual, Joanie Poirier et Étienne Thibeault

DURÉE : 1h30 sans entracte

 

 

 

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