Josée B. est gestionnaire d’une équipe de vente, pleine d’entrain et respirant la joie de vivre, cette femme, au début de la quarantaine, fait partie des perfectionnistes dans l’âme. Pour elle, pas question de baisser les bras, elle est une combattante née et vise les plus hauts sommets dans sa carrière. Cependant, il n’en a pas toujours été ainsi. Il y a environ cinq ans, la quadragénaire a vécu un épisode professionnel sombre alors qu’elle fut victime de harcèlement psychologique de la part de sa supérieure immédiate.
Fraîchement émoulue de l’université avec un baccalauréat en poche, Josée n’a pas mis de temps à décrocher l’emploi de ses rêves au sein d’un ministère. Forte d’une formation dans le domaine de la finance, on l’a rapidement désignée à des mandats complexes où elle excellait. Cependant, puisque la fonction publique n’est toujours garante d’un poste permanent en début de carrière, Josée a saisi l’opportunité quand un autre ministère a affiché un poste correspondait tout à fait à son expérience et ses compétences. Elle a donc décidé de plonger, après huit ans au même endroit.
L’élément déclencheur
Tout allait rondement pour elle, jusqu’à ce que le poste de sa coordonnatrice soit affiché. Josée a postulé en espérant obtenir le poste puisqu’elle en possédait toutes les exigences. Ces dernières se résumaient à 3 années d’expérience dans le domaine assorti d’un diplôme en finance. Bien que Josée fût amplement qualifiée pour le poste, le gestionnaire choisit de l’offrir à une employée ayant davantage d’ancienneté au sein du même ministère sans toutefois détenir la qualification requise. Mise au courant que Josée avait postulé pour le poste, la nouvelle coordonnatrice de Josée a décidé de la prendre à partie.
L’infantilisation
Au bout de seulement un mois, elle exigeait que Josée lui remette tous les dossiers qu’elle traitait afin qu’elle les vérifie. Ces dossiers qui étaient jusqu’alors impeccables se mirent tout à coup, à ne plus convenir à la mission du ministère. La coordonnatrice instaura donc un système on ne peut plus infantilisant à l’égard de Josée pour démonter qu’elle ne répondait plus subitement aux exigences du poste. Elle mit en place une grille d’évaluation comportant des notes telles que A, B, C, D ou E appuyées par un système d’autocollants que Josée pouvait obtenir selon la satisfaction de sa coordonnatrice. Seul le nom de Josée apparaissait sur cette grille affichée à la vue de tous. Les autres membres de l’équipe ne faisaient pas l’objet d’une telle mesure.
L’exclusion du groupe
La coordonnatrice exclut ensuite Josée des activités sociales comme les déjeuners et réunions d’équipe et même des séances de formation. Puis, elle se mit à dénigrer Josée en la traitant d’idiote devant ses pairs et l’injuriant devant la clientèle. Un matin, alors que Josée était en retard de quelques minutes, elle surprit la coordonnatrice en train de fouiller dans ses dossiers. Elle l’accusa plus tard, d’avoir égaré des documents. Une autre fois, elle la surprit à faire un renvoi d’appels dans son propre bureau afin que Josée ne puisse répondre elle-même à ses clients.
Les insultes et insinuations pleuvaient
Par la suite, le suivi des dossiers de Josée devint quotidien au lieu d’hebdomadaire puis, journalier. Josée en fit part à son gestionnaire qui n’y porta aucune attention. La coordonnatrice passait des remarques personnelles désobligeantes sur le style vestimentaire de Josée, sa coiffure et son poids. Pourtant Josée prenait soin de sa personne était athlétique et portait une garde-robe classique. Sa supérieure se mit même à déblatérer sur son véhicule, sa maison et son conjoint, insinuant que ce dernier travaillait sans doute « au noir » pour se payer un tel luxe. Exaspérée, Josée ne dormait plus la nuit, ne se mêlait plus au groupe, dînait seule dans son bureau. Il arrivait souvent qu’elle aille se cacher dans les toilettes pour pleurer après ses évaluations. Elle devint de plus en plus nerveuse et irritable et commença à faire des erreurs d’inattention. Il arrivait parfois qu’elle s’absente les jours où elle recevait une évaluation. Elle décida donc d’en discuter avec son conjoint qui lui suggéra de prendre quelques jours de vacances pour faire le vide. Ce qu’elle fit pendant une dizaine de jours. Au retour de ses vacances, Josée constata que la coordonnatrice lui avait retiré les dossiers les plus intéressants et qu’elle avait fermé certains d’entre eux. Cette dernière a même ajouté que Josée s’était payé du bon temps en vacances à ses dépens pendant qu’elle ramassait les pots cassés.
Le début de la fin
C’est sur les conseils de son conjoint, que Josée est allée consultée son médecin traitant pour sa fatigue, ses pleurs et ses sautes d’humeur. Verdict : Dépression! Josée n’en croyait pas ses yeux et craquant dans le bureau du médecin, elle lui fit part de ce qu’elle vécut durant les deux dernières années au travail. Ce dernier lui prescrit donc de la médication mais aussi, plusieurs séances de psychothérapie car selon lui, elle était victime de harcèlement psychologique. « Les semaines suivantes furent longues et périlleuses », indique Josée. « D’abord, moi qui m’étais toujours considérée comme invincible, j’avais courbé l’échine mais plus encore, je n’avais pas vu venir le coup. En gros, j’avais échoué ». Ce fut ensuite, la descente aux enfers, Josée passait ses journées à dormir et mangeait peu et, lorsqu’elle était éveillée, pleurait ou maugréait contre son conjoint et les enfants. Elle se mit même à se trouver laide, bête et idiote. Au bout de deux mois de congé, elle se disait qu’en réalité, sa supérieure avait probablement raison et un matin, en allant marcher pour se changer les idées, elle élabora un plan suicidaire. « La seule vue d’un poteau, d’un pont ou d’un viaduc suffisait pour que j’élabore un plan suicidaire. Tout ce qui pouvait m’aider à sortir de ce bas-monde me semblait la seule potion possible », indique-t-elle. Heureusement, grâce au soutien de ses proches et de son médecin, Josée s’en est sorti non sans difficultés et tenta un retour au travail au but de six mois.
Un retour difficile mais salutaire
Bien que Josée espérait que son absence aurait fait réfléchir sa supérieure, il n’en fut rien. Force est de constater que cette dernière avait fait d’autres victimes car plus de la moitié de son équipe de travail n’était plus en poste. La plupart avait quitté pour le secteur privé et d’autres étaient aussi en congé de maladie. Il ne restait plus que six collègues sur 18. Le harcèlement à l’égard de Josée reprit de plus belle et un jour, elle quitta son emploi pour effectuer un retour aux études en marketing, afin d’ajouter une corde supplémentaire à son arc. Ce n’est qu’au bout de deux ans, qu’elle réintégra le marché du travail non sans angoisse. « Au début de ma recherche d’emploi, je postulais pour des emplois pour lesquels j’étais surqualifiée. J’avais peur de ne pas être à la hauteur. Je me suis même demandé si un employeur daignerait m’embaucher. Aujourd’hui, j’occupe un poste de cadre intermédiaire dans une grande entreprise et croyez-moi, jamais je ne ferai subir à personne, tout ce que j’ai enduré ».