Après son premier long métrage Papicha qui a réalisé un succès retentissant, Mounia Meddour accouche d’une deuxième œuvre cinématographique avec la même trame du récit : une jeune fille qui rêve de quelque chose, mais elle bute à la violence d’une société qui porte encore les séquelles d’une guerre civile traumatisante. Sorti en 2022, et après sa première nord-américaine en automne dernier dans les salles de Montréal, Houria renoue avec le public montréalais dans la section internationale fiction longs métrages de la 39ème édition du Festival international Vues d’Afrique. Ce long métrage, dont le scénario est écrit par Mounia Meddour, est porté par un casting féminin composé de Lyna Khoudri, Rachida Brakni et Nadia Kaci.

La fiction de Mounia Meddour nous renvoie à cette Algérie post « décennie noire », encore convalescente, profondément traumatisée, et qui n’arrive pas à contenir les rêves de ses enfants, souvent refoulés et réprimés par les fossoyeurs de liberté (Houria en arabe veut dire liberté). Houria incarne le talent et la fougue d’une jeunesse qui rêve trop dans un pays n’offrant que l’émigration clandestine (Harraga) pour assouvir son rêve! Houria est joué par la talentueuse et la pétillante Lyna Khoudri qui, par sa sensibilité et sa grâce, a su donner de la profondeur et du brio au personnage. Au fin fond de la détresse et après une agression tragique qui lui a ôté la faculté de parler et le rêve d’embrasser une carrière de ballerine, elle mène avec courage et détermination cette quête de nouveau sens ! Une quête qu’elle amorce sur la terrasse de sa maison, face à la mer, sur les hauteurs d’Alger, dans la grâce du mouvement et la sueur de l’effort! C’est à travers la danse, sa passion qu’elle partage désormais avec une communauté de femmes sombrées dans le désarroi, qu’elle parvient à exorciser son corps et à donner du sens à sa nouvelle vie !

Dans sa mise en scène saccadée, s’appuyant sur des grands plans à l’affût de la moindre expression qui dévoile les sentiments et les émotions, Mounia Meddour a su distiller le beau de la détresse humaine pour faire de sa fiction une œuvre à la fois poignante et sublime! Le film est agrémenté d’une flopée de chorégraphies, plus ou moins improvisées, qui donnent au film une fluidité plaisante, entrainant le spectateur dans la grâce du mouvement presque poétique ! Le résultat est enchanteur et tient agréablement en haleine le spectateur!

Le long métrage de Mounia Meddour est un ballet d’émotions qui met en exergue les vertus thérapeutiques de l’art et la quête incessante de sens menée par l’être humain même au comble de la détresse. Il est engagé et politique, en offrant, à travers la condition féminine, un porterait saisissant d’une Algérie meurtrie qui, finalement, ne se guérit pas sans cette « Houria »…liberté!  Après ses deux longs métrages consacrés à la condition féminine, Mounia Meddour clôtura-t-elle sa « trilogie féministe » par une troisième fiction dans le même registre ?

Sofiane Idir

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