Arrivée au Canada en 2010, Me Coline Bellefleur est avocate chez TBPK et préside la section Québécoise de l’Association Canadienne des Avocats Musulmans (ACAM). Elle pratique principalement en droit de l’immigration et des réfugiés, ainsi qu’en litige civil. Elle est amenée à conseiller des entreprises ou des individus et à plaider leur cause devant différents tribunaux, comme la Cour du Québec, la Cour Supérieure, la Commission de l’Immigration et du statut de Réfugié, ou la Cour Fédérale. Elle a été aussi juriste au sein de plusieurs organismes militants pour les droits de la personne et les droits des migrants où elle a la chance de pouvoir œuvrer au sein de différentes structures (cabinets d’avocats, milieu associatif, etc.) et dans plusieurs pays, avant de s’installer au Québec. Elle a effectué la plupart de ses études en France, son pays d’origine, notamment en obtenant une maitrise en Droits de l’Homme et des minorités à l’Institut des Hautes Études Européennes de Strasbourg. Me Coline Bellefleur a bien voulu se confier sur son implication au sein de l’ACAM :

Depuis quand existe L’Association Canadienne des Avocats Musulmans ?

Coline Bellefleur : L’Association Canadienne des Avocats Musulmans (l’ACAM) existe depuis 1998 et est basée à Toronto, en Ontario. La section québécoise a été mise en place en 2014 grâce à l’initiative et au dévouement d’un groupe d’avocat(e)s, étudiant(e)s en droit et notaires. J’en suis présentement à mon second mandat en tant que présidente de la section Québec, suite à ma réélection pour ce poste en mai 2015, par les membres de l’organisme.  Les champs d’intervention de l’ACAM visent à la fois les professionnels du droit et le public. L’un de nos objectifs est de contribuer à former et à sensibiliser les avocats et notaires afin qu’ils soient à même de représenter adéquatement les intérêts des communautés musulmanes du Québec. Nous offrons donc régulièrement des ateliers de formation continue et de réseautage, ainsi que différents services de soutien et d’entraide entre professionnels et pour une meilleure inclusion au sein de la communauté juridique en général.

Quel est votre rôle au sein de l’Association et quels sont ses objectifs?

Les expertises variées de nos membres permettent à notre organisme de présenter des interventions professionnelles de haute qualité devant divers forums tels que la Cour Suprême ou des commissions parlementaires, et d’être reconnu comme un interlocuteur respecté. L’ACAM est récemment intervenue au Québec au sujet du projet de loi 59 contre les discours haineux et les violences basées sur l’honneur, sur le projet de loi 54 visant à améliorer la situation juridique des animaux, ainsi que dans une cause de discrimination portée jusque devant la Cour Suprême par la Commission des Droits de la Personne et de la Jeunesse. L’une des meilleures façons de protéger les droits et intérêts des membres d’une communauté reste malgré tout la sensibilisation et la formation des personnes elles-mêmes. Pour cela, nous organisons régulièrement des séances de consultations juridiques individuelles gratuites, ainsi que des ateliers et conférences, parfois en partenariat avec d’autres organismes. Bien que l’ACAM ne représente pas directement d’individus, nous servons aussi de point ressource pour les organismes et les particuliers à la recherche d’un(e) avocat(e) ou d’un(e) notaire. Nous recevons par exemple de nombreuses demandes de personnes ou d’organismes à la recherche d’avocat(e)s de confiance, dont les compétences professionnelles sont doublées d’une certaine sensibilité culturelle, avec parfois certaines exigences linguistiques. Notre réseau de membres actifs et de sympathisants couvre toutes les régions du Québec et nous sommes donc généralement à même de référer les clients à des avocat(e)s et notaires proches de chez eux, suite à une analyse personnalisée et soigneuse de leurs besoins juridiques, le tout dans un délai très court.

Les canadiens sont-ils bien renseignés sur leurs droits et obligations et qu’en est-il des nouveaux arrivants ?

De façon générale, la population québécoise n’est pas toujours bien renseignée sur ses droits et obligations ainsi que sur le fonctionnement du système judiciaire, bien que de nombreux groupes fassent un travail de terrain formidable à cet égard pour améliorer les choses. Cet aspect est évidemment souvent plus marqué chez les nouveaux arrivants qui ont tout un nouveau réseau d’institutions à découvrir, ce qui prend nécessairement un certain temps. Ceci étant dit, on constate aussi qu’un certain nombre d’entre eux arrivent sur le sol québécois déjà très bien renseignés, puisqu’ils se sont préparés à leur arrivée depuis des mois, voire des années.

Y-t-il des lois que les nouveaux immigrés ignorent ?

Les nouveaux arrivants sont en général peu familiers avec les recours disponibles en cas de discrimination, que ce soit sur le marché du travail ou dans le cadre d’une recherche de logement par exemple. Peu d’entre eux savent qu’il est possible d’avoir un service de représentation gratuit pour ce genre de cas! Il y a également beaucoup d’incompréhension et de préjugés en ce qui concerne les règles applicables au divorce et à la garde des enfants ainsi qu’un manque de connaissance des services de médiation qui sont offerts dans ce domaine.

Quels sont les moyens qui sont utilisés pour informer les immigrants sur les lois canadiennes ?

Des séances d’informations sont bien entendu offertes aux nouveaux arrivants en ce qui concerne la législation et le système de justice au Canada, mais lorsque l’on vient à peine d’arriver, tout ceci peut paraitre bien théorique! Sans compter que lors des premières semaines qui suivent l’arrivée au Québec, les principaux soucis des nouveaux arrivants se situent, bien légitimement, à d’autres niveaux, comme la recherche de logement et d’emploi ou l’inscription des enfants à l’école. Ultimement, on ne peut cependant nier le fait qu’il est avant tout de la responsabilité des individus de s’informer sur les lois qui régissent leur quotidien, immigrants ou pas. A nous de faire connaitre les ressources pertinentes pour cela!

Animez-vous des séances d’information gratuites pour les nouveaux immigrants ?

L’implication sociale et bénévole fait partie intégrante de chacune de mes journées de travail, ou presque! Il s’agit pour moi d’un élément essentiel de ma pratique en tant qu’avocate. Conférences, ateliers, consultations juridiques pour des organismes communautaires… Je contribue de mon mieux pour faciliter une meilleure compréhension du droit et un meilleur accès à la justice. Vous m’avez d’ailleurs peut-être déjà croisée lors d’évènements de consultations juridiques gratuites organisés dans le métro ou à la Place des Arts par la Clinique Juripop ou le Barreau de Montréal! À Montréal, plusieurs cliniques juridiques offrent aux personnes à faible revenu des services de consultations gratuites ou à faible coût avec un(e) avocat(e). C’est le cas par exemple du Centre des femmes de Montréal et de la Clinique juridique du Mile-End, deux organismes que je connais bien. Vu l’actualité récente, je suis également impliquée dans les dossiers de parrainages privés de réfugiés syriens.

Les réfugiés syriens est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. Quel serait à votre avis la meilleure méthode pour les intégrer dans la société ?

L’attention médiatique apportée à la cause des réfugiés syriens récemment est quelque chose de tout à fait nouveau et les manifestations de bonne volonté de la part de la population québécoise vont évidemment faciliter leur intégration. On ne peut que se réjouir de cela! Cependant et comme pour toute personne formée à l’étranger, beaucoup d’entre eux risquent d’être rapidement confrontés à la dure réalité de la non-reconnaissance de leurs diplômes sur le marché du travail. Par ailleurs, je pense qu’il est important de souligner que si la plupart des réfugiés syriens récemment parrainés bénéficient d’attentions particulières, ce n’est pas le cas pour tous les réfugiés. Un grand nombre vivant au Québec depuis plusieurs années sont ainsi toujours en attente d’être réunis avec leurs proches, parfois leurs enfants en très bas âge. Comment pourrait-on parler d’une véritable possibilité d’intégration dans de tels cas? Il n’y a pas de recettes miracles pour l’intégration, mais il y aurait beaucoup à faire pour enlever certaines barrières administratives…

Avez-vous des conseils à transmettre à nos lecteurs ?

La loi n’est pas uniquement l’affaire des avocats. Il est important que chacun connaisse ses droits et obligations, afin d’évoluer en toute connaissance de cause au sein de la société québécoise, mais aussi pour devenir des citoyens avertis, confiants et réactifs. Connaitre ses droits, c’est refuser d’être vulnérable et se donner la possibilité d’agir, au lieu de subir. Si vous avez des questions vous pouvez en tout temps nous contacter par courriel l’Association Canadienne des Avocats Musulmans : qc@cmla-acam.com

Fateh Garah

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