Parcourir le monde en quête de savoir et d’aventures, réaliser ses rêves les plus fous et ne reculer devant rien, tels sont les enseignements que nous a transmis Jules Aillaud durant notre longue interview. Un voyage dans l’histoire, à ses risques et périls, quatre vies de vingt années chacune, toutes aussi palpitantes les unes que les autres. De la Côte d’Azur au Canada, l’enfant de Toulon a défié le temps, sans jamais abdiquer, sans jamais se défiler devant la difficulté. Le récit hors du commun d’un homme passionné et audacieux, entre mésaventures et réussites, mais qui n’a pas livré tous ses secrets. L’odyssée n’est pas terminée.
Voici la troisième partie de l’interview de Jules Aillaud, où nous allons aborder ici, son service militaire durant la guerre d’Algérie, son aventure africaine en Guinée, son parcours en tant qu’enseignant et ses réalisations comme ingénieur. Nous aborderons également le personnage d’un scientifique et chercheur, mais aussi d’un artiste dans l’âme.
Jules Aillaud : « Tout mon parcours a été pour découvrir, apprendre et comprendre »
Comme ingénieur en France, vous avez collaboré au tracé de l’autoroute de la Côte d’Azur et avez conçu, dessiné, calculé, réalisé et supervisé la fabrication de la plus grande machine à laver rotative mondiale…
En 1958, j’ai eu l’occasion avec les »Ponts & chaussées » de collaborer aux dessins et à la réalisation de l’autoroute de la Côte d’Azur. Ensuite, j’ai eu l’opportunité de travailler comme ingénieur concepteur aux »Chantiers de la Méditerranée » et d’être en charge des calculs des dessins et de la réalisation de la plus grande machine à laver jamais construite de 45 000 litres, d’une hauteur de 4 étages pour laver et traiter les copeaux de bambou, dans une usine de papier à Bombay en Indes.
Cette expérience a augmenté ma notoriété au sein du bureau d’études et ce fut un des moments palpitants de ma carrière de concepteur. La vie est belle mais, malheureusement mon sursis est terminé, je reçois un ordre de mission pour faire mon service militaire obligatoire en Algérie. J’ai tout essayé pour le retarder, mais à présent, les autorités me lancent un ultimatum : C’est l’armée ou la prison, j’ai choisi l’armée!
« Je n’ai vraiment pas aimé mon expérience militaire, car finalement, l’Algérie appartient aux Algériens »
Durant la guerre d’Algérie, vous étiez basé à la frontière tunisienne. Qu’évoque pour vous l’Algérie et quels souvenirs en gardez-vous aujourd’hui ?
Un mauvais jour, je reçois un ordre de mission pour rejoindre fort Lamy dans le djebel, à la frontière tunisienne, via Bône Philippeville. Toute une épopée pour arriver à destination, le train d’Alger pour Bône est soumis à de sournoises embuscades, des mines sur la voie ferrée, des arrêts fréquents pour réparer. Après plusieurs jours, j’arrive sain et sauf à Bône. Le plus simple était fait, à présent, partant de Bône, il fallait rejoindre fort Lamy à plus de 1 000 kilomètres au Nord de Souk-Ahras en convoi de camions GMC, soumis à des embuscades armées, à des pistes impossibles bien souvent minées sous des explosions constantes de tirs de canons, de mortiers et de mitrailleuses.
Arrivé à Fort Lamy à la frontière tunisienne, je me trouve dans un minuscule blockhaus isolé au sommet d’une montagne, protégé par des kilomètres de fils barbelés et des centaines de mines explosives et éclairantes. Je comprends fort bien le patriotisme de mon grand-père paternel qui a vécu les combats sanglants à la baïonnette dans les tranchées de Verdun en 1914 lors de la première guerre mondiale et celui de mon père qui a vécu les barbaries de la deuxième guerre mondiale dans les Alpes et le Vercors pour défendre les frontières de la France lors de l’invasion allemande. Mais pour moi en Algérie, c’était très différent, mon patriotisme était au plus bas, voilà pourquoi je n’ai vraiment pas aimé mon expérience militaire, car finalement l’Algérie appartient aux Algériens.
Parlez-nous de vos trois années passées en Afrique, à Conakry en Guinée, c’était sous le règne du président Sékou Touré.
En 1963, je menais la belle vie comme artiste peintre sur la côte d’azur non loin de Saint-Tropez, malgré tout cela, je choisi l’aventure africaine. A Conakry, j’avais un bon salaire et je profitais de la plage. Mais ce pays se retrouve livré à lui-même sous le pouvoir autocratique et totalitaire du président Sékou Touré. En 1965, un coup d’état à Conakry vient tout chambouler. La France laisse aux professeurs le choix de rester ou de rentrer, par précaution nous décidons de quitter le pays, ce qui a mis un terme à notre extraordinaire odyssée africaine pour faire face à une nouvelle vie et attendre ce qu’un nouveau destin nous réservera une fois arrivé en France.
À Montréal, vous avez enseigné durant 25 ans le dessin technique et résistance des matériaux dans divers établissements gouvernementaux du Québec…
En 1970, je reçois une offre de la direction de la polyvalente Curé Mercure à Saint-Jovite, dorénavant Mont Tremblant comme professeur d’art plastique aux secondaires 2 et 3 en attendant de me trouver une ouverture dans l’enseignement technique. Enfin je commence à enseigner pour le ministère de l’éducation en 1970, je déménage dans une belle ancienne maison canadienne en face de l’église de Saint-Faustin. Enseigner les arts plastiques au secondaire 2 et 3 n’était pas ma vocation ni ma spécialité mais je me répète que ce n’est que provisoire et « Jules tu es capable ». Je propose au directeur d’initier les élèves à la sculpture sur glace et de les faire pratiquer à l’extérieur, il trouve l’idée très intéressante, m’accorde un budget. Une nouvelle vie commence dans les montagnes, la nature, les grands espaces, la pêche à la truite, le golf, le ski, etc.
Vous avez côtoyé le célèbre couple Céline Dion et René Angélil, en 2008, dans les salons privés du Sporting Club de Monte Carlo, lors du spectacle de Céline (tournée Taking Chances). Quel privilège !
En 2008, grâce à notre collaboration avec les Productions Feeling et René Angélil ainsi qu’au clip ‘’ Je t’aime encore’’ de Céline, nous nous envolons à Monaco pour rencontrer en privé le célèbre couple, lors d’un souper gastronomique au Sporting Club de Monte Carlo et assister au spectacle de Céline lors de sa tournée autour du monde : « Taking Chances ». Le 12 juillet, nous étions à l’hôtel Fairmont de Monte Carlo au bord de la piscine lorsque notre cellulaire sonna pour nous confirmer la rencontre de Céline et René. Céline elle-même me permis de faire quelques photos d’elle et René, dans le salon privé VIP avec une permission spéciale de les publier sur nos réseaux sociaux. Ce jour-là seulement, 3 ou 4 personnalités de la principauté ont été autorisées à rencontrer le célèbre couple canadien. J’ai été la seule personne à part leur photographe attitré à pouvoir les photographier en privé. Nous avons ensuite assisté au banquet et au spectacle mémorable.
« Chercher à comprendre, c’est commencer à innover »
Vous finalisez cette année votre 5 ème brevet d’invention et le prototype de son capteur d’énergie qui va révolutionner le monde de la mécanique et de l’automobile. Comment êtes-vous parvenu à faire cohabiter l’artiste avec le savant ?
Depuis mon adolescence j’ai comme devise : ‘’ Chercher à comprendre, c’est commencer à innover’’. Ce qui m’a permis de trouver des innovations dans plusieurs domaines comme la mécanique, la propulsion, les jeux, les probabilités, la littérature, la photo, la vidéo. J’ai dû aller à la bibliothèque de Montréal pour étudier les lois et règlements du bureau des brevets à Ottawa.
Mes connaissances et ma dextérité manuelle en dessin technique m’ont permis de soumettre plusieurs brevets canadiens dont : un compensateur automatique d’huile à moteur pour automobile, un dispositif pour changer instantanément l’huile sans élévation du véhicule ni aucun outil, un tourniquet sphérique pour entrer dans le métro ou autre salle de spectacles, un mini-golf préfabriqué, un déflecteur de rondelle de hockey (actuellement en instance) (Patent pending) actuellement à l’étude, un récupérateur d’énergie gratuite pour alimenter le automobiles qui va supplanter avantageusement le pétrole, l’électricité et le butane.
Vous prédisez que vers 2050, les moteurs d’automobiles seront remplacés grâce à votre invention, par des moteurs rotatifs à air comprimé, sans explosion, propres, non polluants, silencieux, économiques et sans vibration. Peut-on vous qualifier de visionnaire ?
Visionnaire ? Je ne sais pas, car mon allégation suppose que cette innovation sera brevetée, adoptée et approuvée par les gouvernements et les magnats du pétrole, ce qui est d’une probabilité très incertaine. Les visionnaires célèbres de l’humanité n’ont été déclarés comme tels, bien souvent qu’après leurs morts. C’est pour cette raison que j’ai bien précisé que vers 2050 ou plus tard, les moteurs à explosion seront remplacés par des moteurs rotatifs à air comprimé : silencieux, non polluants, sans vibration, économiques, sans refroidissement.
Le problème est que l’air comprimé coûte plus cher que les carburants actuels, mais grâce à mon invention, l’air comprimé sera récupéré gratuitement, ce qui semble impossible. Vous constaterez que durant mon parcours j’ai souvent réalisé des actions qui semblaient impossibles car Napoléon disait bien : ‘’Impossible n’est pas français’’.
En parallèle de vos recherches scientifiques et de vos inventions, vous portez à merveille le costume d’homme de cinéma et de la scène, vidéos clips, documentaires, spectacles, émissions TV et galas, tournage dans des films et des émissions TV. Êtes-vous un artiste dans l’âme ?
Tout mon parcours durant ces 80 dernières années a été pour découvrir, apprendre et comprendre. C’est grâce à cette philosophie que j’ai réalisé que la vidéo et le cinéma sont les seuls médias qui permettent de jouer avec les images, les couleurs, le mouvement et le son pour exprimer toutes sortes d’émotions qui peuvent arriver à faire rire ou pleurer. J’ai participé comme acteur par accident à divers vidéo clips et films par curiosité pour me divertir afin de réaliser que ce métier demande beaucoup d’apprentissage et de qualités que je n’ai pas. Cependant, ce fut des expériences très enrichissantes que je n’hésiterai pas à refaire.
Vous êtes un passionné de casinos, vous êtes d’ailleurs l’auteur du livre « L’incroyable Monsieur Casino », sur les probabilités à la roulette, dans lequel vous préconisez une méthode qui change les jeux compulsifs et impulsifs par des jeux gagnants méthodiques et raisonnés. Expliquez-nous cette passion pour les statistiques, vous qui avez sillonné les casinos dans différents pays…
Pour en arriver à un tel résultat, il m’a fallu étudier les statistiques de milliers de lancées dans plusieurs casinos pour en arriver à une conclusion qu’à certains moments, les probabilités sont favorables et qu’il ne faut miser qu’à ce moment-là. Il faut donc modifier ses impulsions, son comportement, faire preuve de patience et de concentration pour ne pas perdre ce moment-là. Et c’est en respectant ma méthode que le joueur devient inconsciemment raisonné et méthodique. Pour gagner 7 fois sur 10, le joueur devra être moins gourmand, plus patient, concentré, méthodique, raisonné, tout cela n’est pas impossible.
Que ressentez-vous à travers ce pluralisme et cette mosaïque qui ont dessiné votre carrière ?
Toutes ces tribulations m’ont apporté une satisfaction hors du commun, de n’avoir jamais reculé devant toutes sortes de décisions plus ou moins hasardeuses qui m’ont toujours apporté un enrichissement personnel qui fait de moi un homme heureux et satisfait qui ne regrette rien absolument rien. Je ne suis pas venu au Canada pour faire fortune mais simplement pour satisfaire mes goûts d’aventure et du risque et pour connaître ce qu’il y a au-delà de mon pays natal. Je pense avoir bien rempli ces années aventureuses car elles m’ont donné une certaine sérénité, je n’ai pas encore réalisé certains projets secrets, j’ai demandé à mon ange gardien si elle pourrait m’aider à les réaliser malgré les années qui s’écoulent inexorablement, elle m’a répondu les paroles de Michel Fugain : ‘’ Jusqu’à demain peut-être ou bien jusqu’à la mort’’
Si vous aviez un message à transmettre à l’humanité, quel serait-il ?
Après avoir vécu mon enfance dans la 2ème guerre mondiale, la guerre d’Algérie et 4 coups d’états dans 4 pays, j’en arrive à la conclusion que l’humanité est sans cesse en conflits de toutes sortes et que la paix n’est qu’une illusion. L’indépendance n’est pas nécessairement le bonheur d’un peuple car tous les pays indépendants n’arrivent pas à s’entendre. Pour en arriver à une sérénité planétaire, comme disait le chanteur québécois Raymond Lévesque en 1956 : ‘’Quand les hommes vivront d’amour il n’y aura plus de misère’’, peut-être aussi plus de frontière. Pour en arriver-là il faudra du temps, et que l’être humain atteigne un niveau capable de gérer les pluralistes ambitions de l’humanité.
Propos recueillis par Hamid Si Ahmed