À l’antipode des valeurs qu’il véhicule, pays d’accueil et terre d’immigration, le Canada ferme de plus en plus la porte aux touristes étrangers. C’est ce que révèle une enquête du Globe and Mail, un quotidien torontois, qui s’est penché sur les raisons de l’explosion des refus ces dernières années, un constat aberrant défrayant toujours la chronique. En 2017, le Canada a refusé l’entrée à son territoire à environ 600 000 personnes qui voulaient visiter le pays pour diverses raisons (tourisme, études, affaires, colloques, visite de famille…).

Ces refus représentent un quart des demandes de visas de visiteurs qui s’élevaient à 2,3 millions la même année. Selon cette enquête, la principale raison des refus est que les agents de visas ne sont pas convaincus que les demandeurs quitteront le Canada après leur séjour touristique.

Pourquoi autant de réticence dans la délivrance des visas ?  

En effet, les refus constatés touchent beaucoup plus les demandes venant des personnes du tiers-monde, notamment l’Afrique et le Moyen-Orient. Toute demande, provenant de ces régions ou de personnes originaires de celles-ci, devient suspecte d’une immigration illégale quoique le demandeur fournisse tous les documents prouvant son intention de retourner à son pays après son séjour touristique. D’après les témoignages sur les refus que nous avons recueillis, il s’avère que le traitement des demandes au niveau des ambassades du Canada (demande de l’extérieur) et Citoyenneté et Immigration Canada (demande de l’intérieur) s’appuie souvent sur une démarche hypothétique, qui consiste à jeter le doute sur les demandeurs de visas en les considérant comme des immigrants potentiellement illégaux. Le hic, c’est que ce fait n’existe qu’à l’état d’hypothèse et demeure discriminatoire ! Il est complètement insensé de penser que tous les demandeurs de visas convoitent une résidence au pays, alors que les conditions de vie dans ce dernier sont susceptibles de dissuader tout candidat (hiver rigoureux, éloignement, choc culturel…).

Les témoignages que nous avons recueillis sur ce sujet sont édifiants. Samy (non fictif), un citoyen canadien établi à Montréal, qui voulait inviter son frère et son épouse d’Algérie pour visiter le pays, a été surpris de voir leur demande de visas rejetée. Le motif invoqué par l’agent de visas dans sa notification de refus est : « Vous ne m’avez pas convaincu que vous quitterez le Canada au terme de votre séjour à titre de résident temporaire ». Pourtant le frère de Samy a fourni tous les documents prouvant son intention de retourner à son pays après son séjour touristique (bail de logement, certificat de travail, talon de paie, attestation de ressources financières…). Je n’arrive pas à admettre les raisons de ce refus, nous a-t-il dit, Samy : « Mon frère n’avait en aucun cas l’intention de s’installer au Canada, il est professeur de langues en Algérie et jouit d’une bonne situation, il voulait juste me rendre visite et découvrir le pays. J’aurais déboursé au moins 2000 $ pour son séjour, de surcroît de la somme qu’il aurait lui-même dépensé ici. C’est de l’argent qui aurait été injecté dans l’économie canadienne ! Ce n’est pas de cette manière que le Canada développera son tourisme ». Les refus constatés concernent aussi des cas humanitaires et de projets de vie. Comme le cas de Sonia (nom fictif), citoyenne canadienne résidente dans le Grand Montréal, atteinte d’une maladie grave et qui voulait faire venir sa sœur établie en Europe pour prendre soin d’elle et la soutenir. À la grande stupéfaction de Sonia et de sa famille, la demande de visa de sa sœur a été refusée pour le motif susmentionné. Stéphane (nom fictif), citoyen canadien, habite à Anjou, voulait célébrer son mariage à Montréal avec sa fiancée établie en Europe. À la grande déception de Stéphane, la demande de visa de sa fiancée a été rejetée, avec cette notification de l’agent de visas : « l’insuffisance de documents démontrant votre statut d’immigration dans votre pays de résidence ». Pourtant la fiancée de Stéphane a fourni tous les documents prouvant son statut de son pays de résidence (titre de séjour, quittance de loyers, attestation de travail, talons de paie, relevés bancaires, assurance maladie…). Au lieu d’apprécier ces documents officiels à leur juste valeur, l’agent de visas les a remis en cause, alors qu’ils ont été délivrés par un État européen souverain, nous a-t-il dit, consterné, Stéphane ! 

Des refus préjudiciables pour l’image du Canada et son tourisme !

Le nombre grandissant des refus de visas de visiteurs pour des motifs infondés peuvent altérer l’image du Canada à l’échelle internationale et porter préjudices à son tourisme. En effet, selon une étude du Forum économique mondial (2017), les exigences du Canada en matière de visas de visiteurs sont les plus complexes et opaques au monde. La simplification des procédures et la transparence dans la prise des décisions seront salutaires pour préserver l’image du Canada et booster son tourisme. En effet, le tourisme canadien commence au niveau de ses ambassades, c’est le premier maillon d’une longue chaine qui peut briser au départ par un simple refus de visas, dont la récurrence peut engendrer des manques à gagner considérables pour l’économie canadienne.

Sofiane Idir         

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