Le public, venu voir le film qui clôt la « trilogie du mal » du réalisateur suisse, Barbet Schroeder (après le Général Idi Amin Dad en 1974 et Jacques Vergès, l’Avocat de la terreur en 2017), présenté au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, est sorti sans doute mieux informé sur le pourquoi de la tragédie en Birmanie et bouleversé par les images insupportables de la terreur diffusées tout au long ce documentaire.
Le réalisateur et son équipe sont allés enquêter sur l’origine des persécutions, qui durent depuis des décennies, dont sont victimes les Rohingyas, une minorité musulmane vivant dans l’ouest de Birmanie, un pays à majorité Bouddhiste. Sur place à Mandalay, la ville la plus bouddhiste au monde, et pour comprendre l’origine du mal, le réalisateur a donné la parole, sans porter aucun jugement, au moine Bouddhiste Achin Wirathu, le leader du mouvement 969, un mouvement bouddhiste nationaliste et islamophobe, créé en Birmanie en 1999.
Pour contrebalancer les propos de ce bonze extrémiste et permettre au spectateur d’en tirer les conclusions, le réalisateur à accordé aussi la parole à d’auteurs acteurs témoins de la situation: Matthew Smith (directeur de l’organisation des droits de l’homme Fortify Rights et auteur de plusieurs rapports sur la Birmanie), Carlos Sardina Galache (journaliste espagnol et suit sur place l’actualité birmane), Abdul Rasheed ( intellectuel rohingyas), Kyaw Zayar Htun (auteur du livre « Wirathu contre le monde » et quelques dignitaires bouddhistes. Par ailleurs, le réalisateur a utilisé des archives intéressantes sur les persécutions subies par les Rohingyas depuis plusieurs années, histoire de faire parler les victimes.
Cette neutralité du réalisateur peut être nuancée par le contenu du texte off de son film avec le choix d’un angle d’attaque orientant la réflexion sur le mythe bouddhiste et la mécanique du mal.
L’approche documentaire du réalisateur qui s’appuie sur la recherche et l’investigation ainsi que l’extraction des éléments dramatiques de la narration et des personnages a permis de montrer avec brio comment la parole haineuse mène à la négation de l’autre, à la violence et au génocide. Cette machine qui tue a comme fabriquant le moine bouddhiste extrémiste Achin Wirathu à travers l’enseignement qu’il prodigue à ses foules de disciples et la propagande effrénée contre l’islam et les musulmans.
Le film de Barbet Schroeder fourmille d’images d’horreur, puisées dans les archives avec l’utilisation de plusieurs tournages amateurs ou prises sur place au cours des émeutes où l’armée et la police sont présentes, mais sans aucune intervention, laissant produire des scènes d’horreur et apocalyptiques en masse, qui frappent les esprits et restent graver à jamais dans la mémoire collective humaine ( villages incendiés, femmes violées, hommes torturés et brûlés vif, enfants affamés…). Des images d’une extrême violence qui montrent encore une fois que les horreurs les plus abjectes sont l’œuvre de l’être humain quelque soit sa race, sa religion ou sa couleur !
En somme, ce film documentaire changera-t-il la fascination que le bouddhisme exerce sur l’Occident, notamment comme une religion prônant la non-violence ? En tout cas, l’œuvre de Barbet Schroeder est une invitation à la réflexion sur la mécanique du mal quelque soit sa source !
Sofiane Idir