L’imagination exubérante et la créativité foisonnante du scénariste et réalisateur Serge Giguère ont réussi à exhumer le potentiel cinématographique de la correspondance que tenait sa mère avec son fils ainé, installé à Ottawa pour une candidature à la prêtrise, afin de nous le restituer dans une œuvre originale, émouvante et chargée de sens.

C’est une liasse de lettres écrites à la fin des années quarante qui relatent le train-train quotidien d’une smala, composée de seize enfants, qui célèbre la vie avec ses hauts et ses bas. Nous sommes dans la contrée d’Athabaska, dans un décor champêtre, en noir et blanc pittoresque, qui en dit long sur le Québec rural, travailleur et besogneux. On est illico frappé par le potentiel littéraire de cette correspondance féconde, écrite dans un style soutenu, agréable à entendre et fourmille de sagesse qui force l’admiration.

C’est cette correspondance que Serge Giguère a mobilisée pour établir des rapports avec son passé familial riche en enseignements. C’est d’abord un rapport contraignant, à travers ce devoir de mémoire, pour rendre hommage tout simplement à un être cher, la maman ! Cette mémoire est vivante dans l’œuvre de Serge Giguère et se manifeste à travers les vidéos et photographies de famille, prises par le réalisateur dans les années 1970, l’incarnation en filigrane du personnage de la maman avec une voix-off pour la lecture des lettres, la reconstitution des faits d’une manière créative et amusante, et les témoignages des enfants évoquant des faits et souvenirs croustillants, émouvants et édifiants.

Cette matière vivante accuse les traits saillants d’une maman hors-pair. Une maman attachante, généreuse et aux doigts de fée, qui ne rechignait pas à l’ouvrage pour subvenir aux besoins de ses enfants qu’elle dorlotait et mignotait exquisément. Un personnage charismatique, à la nature enjouée, prenant la vie avec philosophie et animé d’une énergie qui coulait à flot jusqu’à son triste tarissement.

C’est aussi un rapport construit par une réinterprétation de ce passé que le réalisateur a chargé de sens à travers le tri et le choix des lettres, les événements et les anecdotes racontés, le raffinement dans les détails révélateurs et les moments intimes dévoilés. Cet exercice a nécessité un travail de montage laborieux et de longue haleine qui a bonifié ce film, le rendant amusant et agréable, notamment par la mise en scène d’objets anciens de la famille évoquant des souvenirs pertinents et donnant vie à un passé jadis invisible !

Le documentaire humaniste de Serge Giguère, présenté à la 20ème édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), est un hymne à la maman universelle qui, avec son amour incommensurable, donne, célèbre et perpétue la vie.

Sofiane Idir

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