Présenté à la 23ème édition des Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, le court-métrage de Mahdi Fleifel nous mène au cœur du plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban, Ain al-Helweh. En effet, ce voyage pour ce cinéaste d’origine palestinienne est un retour au bercail, au lieu où il a grandi. Ce camp, qui devait être un refuge temporaire, est devenu au fil des années un ghetto permanent et le foyer de toutes les misères.

La caméra de Mahdi retrouve Reda, un ami d’enfance, qu’elle a l’habitude de filmer depuis qu’il était môme. Dans une conversation franche et amicale, filmée en noir et blanc, Reda nous restitue une réalité saisissante sur le vécu et les sentiments d’un habitant du camp de réfugiés, un espace fermé où le temps semble s’être figé! Tout ce qui se dégageait de cette conversation (propos, posture, ton, expressions du visage, regard…) montre un homme désemparé et anéanti par le désespoir !  D’ailleurs, la caméra du réalisateur a su entrer dans la bulle de Reda pour capter ces instants saisissants du désespoir dans l’âme que ses yeux ruissellent à travers un regard qui en dit long!

En alternant entre les clichés en couleur du passé de Reda et ses images d’aujourd’hui en noir et blanc, le cinéaste a mis en évidence cet effet de fixation dans le temps par ce jeu de contraste! Rien ne semble s’améliorer dans le vécu de Reda, au contraire, les choses se corsent pour lui et s’assombrissent davantage, notamment avec les accusations arbitraires des autorités libanaises. En effet, de ce contraste ressort cette réalité amère et pesante qui consiste à faire du sur place. « Le monde entier se referme sur moi » confie tristement Reda à son ami cinéaste ! Et c’est la même réalité pour des centaines de milliers de réfugiés au Liban dont la vie semble clouer dans l’espace et le temps!

La démarche du cinéaste s’inscrit dans le documentaire engagé et humaniste ayant pour objet de montrer la réalité amère et indigente des réfugiés palestiniens, dont le statut et le statu quo semblent éternels et de rappeler leur cause qui est d’une grande complexité, à savoir le « droit au retour ». Le cinéaste est resté neutre dans sa démarche à travers ses conversations off, sans choisir, de surcroit, un angle d’attaque, lui qui était, jadis, une partie de ses réfugiés.

Pour interpréter la réalité de ces réfugiés, le cinéaste a fait recours à l’analyse de la sociologue Marie Kortam qui travaille pour l’Institut français du Proche-Orient à Beyrouth. Dans une interview off, la sociologue a livré une analyse éclairée sur la réalité des réfugiés palestiniens au Liban. Pour elle, aucune logique ne s’applique à ces réfugiés, ces derniers sont traités par les autorités libanaises uniquement sur le plan sécuritaire comme une menace permanente à gérer. Croupis dans la misère et accablés par le racisme, la marginalisation et l’exploitation, ces réfugiés adoptent, selon Marie Kortam, trois voies logiques de sorties, à savoir la drogue, la lutte armée et l’émigration.

Dans sa démarche documentaire, le réalisateur a fait recours à la mise en place à travers la reconstitution des fragments de la vie de Reda, en mobilisant des images d’archives que lui-même a capturées au camp d’Ain al-Helweh. Pour mettre le téléspectateur dans le contexte, le réalisateur a mobilisé aussi des scènes d’archive montrant la révolte des réfugiés palestiniens en juillet 2019 contre les nouvelles mesures du gouvernement libanais, qui imposaient un permis de travail à ces réfugiés.

En somme, le film documentaire de Mahdi Fleifel est un témoignage pertinent et bouleversant sur la réalité des réfugiés palestiniens au Liban qui demeurent les grands oubliés de l’humanité !

Sofiane Idir

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