Près du cœur mais loin des yeux, la diaspora maghrébine établie dans la ville de Montréal au Québec, a toujours conservé ce lien fort entre la pratique du soccer et ses origines culturelles. Vecteur d’intégration sociale par excellence, ce sport a permis aux communautés immigrantes de maintenir l’authenticité de leur culture et de véhiculer leur identité, dans un milieu québécois multiculturel et cosmopolite. Sous l’effet de l’immigration, Montréal est en effet devenue une ville où l’ethnicité maghrébine est visible, un lieu de sociabilité entre le soccer et les habitants.
Par Hamid Si Ahmed
Depuis sa création en 2012 par deux algériens, Noureddine Guezzane(président) et Ouali Yahmi (vice-président), la Ligue Amicale Maghrébine de Soccer (LAMS) se veut un espace amical et chaleureux, une sphère ou se rencontrent les membres d’une même communauté, dans une compétition aux saveurs Nord-Africaines. Un troisième administrateur assure l’administration de la Ligue, en la personne de Said Slimani. Une belle mosaïque qui réunit le temps d’un match de soccer, tunisiens, marocains et algériens dans une ambiance de fraternité absolue. Une ferveur en plus à Montréal grâce au soccer, qui vient s’ajouter à la ferveur déjà existante dans plusieurs quartiers de la ville, dont la « Petite Italie », mais surtout la fierté grandissante autour de l’Impact de Montréal.
Avec des caractéristiques émotionnelles et culturelles similaires à celle du « Bled », cette association sportive organise chaque année deux tournois, un d’hiver au dôme du stade hébert, et un autre en été au complexe Marie Victorin. Le 8 décembre 2018 a débuté la 14e saison du tournoi d’hiver, entre 8 équipes conquérantes. Depuis décembre dernier, la JS Tikjda, la JS Soummam, le FC Maghreb, le CS Lapointe, le CR Belcourt, Fennecs MTL et enfin OM Ruisseau s’affrontent chaque samedi, dans le respect total des consignes que ce sport veut transmettre, un reflet culturel enrichissant pour le patrimoine québécois et son histoire.
Tournoi d’hiver 2018/2019 : L’OM Ruisseau champion de la phase aller !
Le 26 janvier dernier, pour le compte de la 6ième journée du tournoi d’hiver 2018-2019, les fans de Soccer Petit Maghreb ont suivi avec un grand intérêt le derby qui a opposé la JS Soummam à l’OM Ruisseau. Un match qui s’est soldé par un score de parité (1-1), ce qui a permis aux Olympiens de Ruisseau de s’adjuger le titre de champion de la phase aller et de finir cette première moitié hivernale avec le meilleur bilan comptable (5 victoires pour un match nul – 16 points).
La phase retour, qui s’annonçait d’ores et déjà décisive pour les différentes équipes du tournoi, notamment les males classées, verra le champion d’hiver freiné en plein élan par Golden Knights, enregistrant ainsi sa 1ere défaite depuis le début de la compétition (1-0). Les Fennecs MTL connaîtront quant à eux un véritable réveil face à CS Lapointe en les battants par quatre buts à un (1-4), le 23 février dernier, avant de tomber face à la JS Soummam en s’inclinant par le même score de quatre buts à un (4-1), le 2 mars suivant.
Classement
Au terme de la 11è journée, l’OM Ruisseau est toujours leader avec 26 points, devant le dauphin la JS Soummam, avec 25 unités. Les Golden Knights pointent juste derrière et restent à l’affût, à la 3ème place avec 23 points, alors que la JS Tikjda se contente de sa quatrième position (21 points). Enfin, les quatre dernières équipes, à savoir Les Fennecs de Montréal (5ème -14 points), le CR Belcourt (6ème – 9 points), CS Lapointe (7ème – 3 points), et le FS Maghreb (lanterne rouge – 3 points), ne perdent pas espoir de finir cette épreuve d’hiver à une place honorable. En attendant, le suspense est garanti !
Amine Saadi (OM Ruisseau): « Chaque semaines, c’est un plaisir de se retrouver entre frères de la communauté »
« Cela fait quelques années que notre Ligue est en place. On a débuté à l’époque avec quatre ou cinq équipes, si je me rappelle bien. Au début, l’organisation faisait défaut, mais avec le temps, la Ligue a évolué. Grâce notamment à Noureddine et sa structure mis en place, on peut se retrouver chaque samedi entre algériens. Cela nous permet de garder une certaine santé physique à travers l’exercice, et de rencontrer et discuter avec nos frères de la communauté. Pendant la semaine, chacun est concentré sur son travail et ses affaires à la maison, mais dès que le samedi arrive, on se retrouve tous ici. L’excellent travail de Noureddine et ses collaborateurs commencent à porter ses fruits. On est satisfaits, car il y a un niveau assez élevé et la discipline est au rendez-vous. Il y en a même avec nous qui ont joué en première et deuxième division en Algérie, comme Nasser Merraga, Merzak Boukhatem, Yassine Hamrouni, et d’autres encore. Moi-même, j’ai déjà joué en Algérie et en Grèce ou j’ai signé un contrat en première division. Ensuite, je suis venu au Canada. Une fois, je me rappelle que nous avions dans le tournoi pas moins de 14 équipes, pour vous dire que nous sommes nombreux à pratiquer le soccer grâce à cette Ligue. J’avoue que cela nous procure beaucoup de plaisir».
Bachouche Sofiane (JS Soummam) : «Grâce à cette Ligue, on se sent pas dépaysé »
« Cela fait juste huit mois que je suis ici à Montréal, et croyez-moi, on ne dirait pas que j’ai immigré, grâce à cette Ligue, on se sent comme chez soi. Je ne ressens pas le dépaysement, c’est vraiment formidable. En plus des personnes que je connaissais déjà, j’ai rencontré d’autres algériens comme moi que je remercie d’ailleurs pour m’avoir aidé. Il y a une belle ambiance et une belle harmonie. Avant de venir ici, j’ai joué au soccer en Algérie pendant 23 ans, dans plusieurs clubs, et c’était des moments inoubliables. Nous, on est passionné par le soccer, on est donc vraiment heureux que ce lieu existe. J’ai découvert dans ce tournoi un niveau de technicité important, un niveau très élevé même, il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup d’anciens joueurs qui ont cette touche qui fait la différence avec qui on joue. Pour l’anecdote, j’ai joué ici contre Merraga, que j’avais affronté déjà au bled, il était d’ailleurs champion d’Algérie, un excellent joueur. Avant, croyez moi qu’avant, c’était un de mes idoles, maintenant je le rejoins ici à Montréal et je joue contre lui, c’est vraiment un honneur. Il y a aussi ce mélange entre vétérans et jeunes qui font le charme de ce tournoi. Il y a une très belle harmonie, et c’est vraiment un plaisir de jouer ici. Figurez-vous qu’à peine le match fini, on pense déjà au suivant. On offre du spectacle aux autres, tout en se faisant plaisir à sois même. »
Omar Merdas (JS Soummam) : « On se défoule, mais dans le respect, on est comme une seule famille »
« On est très contents et satisfaits de cette Ligue, elle nous permet de nous rencontrer entre frères algériens, tunisiens et marocains. Pour moi, c’est une bénédiction d’avoir la possibilité de s’évader de la routine et de trouver un moyen d’occupation, à travers la pratique sportive entre membres de la même communauté. Pendant un match, on se défoule et on se donne à fond. Même si parfois ça devient chaud et tendu entre les joueurs, mais cela fait partie du soccer, c’est un sport émotionnel. L’essentiel c’est que Dieu merci, tout se passe dans le respect et après le match, on oublie l’enjeu et la rivalité. C’est juste un moyen de distraction et d’échange, qui fait que nous sommes toujours heureux de se rencontrer chaque semaine ».
(Propos recueillis par Noureddine Guezzane et rédigé par Hamid Si Ahmed)
Le soccer comme moyen d’expression et d’appartenance
Quand la culture maghrébine trouve sa place à Montréal
Au pays du Hockey sur glace, une nouvelle dynamique culturelle a trouvé sa place dans la pratique du soccer, car qui dit sport, dit patrimoine. Et si la passion sportive veut dire désir d’affirmation individuelle et de reconnaissance sociale, performance, éducation et épanouissement personnel, la notion du patrimoine prend ici un sens plus extensif. De la cohésion familiale à la construction des identités nationales, l’impact du sport sur le patrimoine culturel authentique du Québec a joué le rôle de conducteur et de protecteur. Dans toute sa splendeur et plénitude, la ville de Montréal n’a pas seulement hérité de nouvelles langues et de nouveaux modes de vie, mais aussi de l’émotion que procure le soccer chez ses habitants communautaires issus de l’immigration. Montréal est devenue un espace d’interactions sociales, la Ligue Amicale Maghrébine de Soccer-Montréal en est un exemple vivant. Une saveur sud-méditerranéenne aux arômes du Grand Maghreb Arabe, en adéquation totale avec les enseignements honorables de ce sport, mais aussi dans une merveilleuse harmonie avec les valeurs québécoises.