Sorti en mai 2023 en France et en Algérie, et déjà présenté au Festival de Cannes, Omar la fraise, est le premier long-métrage qui sort de la cuvée du réalisateur franco-algérien Élias Belkeddar. L’œuvre s’inscrit dans le registre du film de gangsters qui oscille entre le comique, le brutal et le sentimental. Elle relate la cavale d’un bandit chevronné condamné à 20 ans de réclusion en France, qui trouve un point de chute en Algérie, le pays de ses racines, qui lui est étranger et plein d’intrigues!
Le film est tourné à Alger, principalement à Oued Koriche (anciennement Climat-de-France), une cité mythique, devenue ghetto surpeuplé et foyer de fléaux sociaux. Le casting est porté par un trio : Réda Kateb, Benoît Magimel et Meriem Amiar. Un casting gagnant qui donne au film du caractère, et au rendu des dièses notables!
Le choix scénaristique place le gangster, Omar la fraise, joué par Réda Kateb, au cœur de l’intrigue. Dans les dédales d’Alger grouillant de gangsters, qui se disputent le territoire pour survivre, Omar la fraise excelle dans sa conduite en arsouille et traine encore ses casseroles, malgré la contrainte de ne plus commettre la moindre infraction. Entre une réputation à tenir et un passé de banditisme à blanchir, le choix est malaisé. Sombré dans l’ennui et souvent désemparé dans sa quête de sens, demeurant nostalgique à sa France natale dans les moindres détails, « le camembert » ! Épaulé dans ce rôle par Benoît Magimel qui incarne Roger, un ami d’enfance et un complice indéfectible. Le charisme et la faculté de faire le « show » et le burlesque de Benoît Magimel donnent de la consistance et de l’éclat à ce rôle de compère. Il fallait une touche de romantisme pour contraster avec un bourbier de brutes, et c’est Samia, une Algérienne « pure et dure », incarnée par la talentueuse Meriem Amiar, qui apporte cette romance lors de sa rencontre avec Omar la fraise dans une biscuiterie. Le malfrat tombe sous le charme et son baratin ne lui suffit pas pour conquérir la contremaitre au grand cœur !
Par sa mise en scène surprenante et son montage saccadé, le film porte à l’écran des séquences d’une extrême violence. Dans ce sens, il répond aux critères des films de gangsters qui nous proposent à travers l’art des choses qui répugnent et effraient. Mais dans Omar la fraise, la violence et l’abjection nous choquent et nous secouent davantage, en voyant une ribambelle de mômes invitée à cet exercice de cinéma. Jusqu’à quel point les faits projetés sont réels dans les cités d’Alger ?
Le film d’Élias Belkeddar a le mérite d’exposer à l’écran une Algérie occultée, celle des ghettos où règnent la pauvreté et le gangstérisme, un pays où tout se fait par intrigue comme disait un personnage de ce film : «dans ce pays, si tu veux devenir millionnaire, il faut commencer milliardaire»!
Sofiane Idir