Sankara, le long métrage documentaire du réalisateur français Yohan Malka, marquera certainement les esprits par cet héritage  restitué à l’humanité, une mémoire d’un grand révolutionnaire qui a transcendé avec son combat mené sur plusieurs fronts et ses idées avant-gardistes. Qui n’aurait pas aimé partager des moments avec Thomas Sankara, le Che Guevara africain, président de la première révolution (1983-1987) du pays des hommes intègres, le Burkina Faso. Le documentaire de Yohan Malka, en première canadienne à la 38ème édition du Festival international de cinéma Vues d’Afriques, a établi des rapports intéressants avec l’héritage de cette figure révolutionnaire africaine pour nous offrir une proximité saisissante, voire fascinante du capitaine Thomas Sankara.

Le film de Yohan Malka est un documentaire historique qui remonte le temps, en établissant des rapports (devoir et interprétation) avec la mémoire de Sankara. Le rendu de cet exercice donne à voir un documentaire-porterait profond et réel, de ce qui était Thomas Sankara. Pour construire ce porterait, l’approche documentaire du réalisateur s’est appuyée sur un fonds d’archives audiovisuelles de l’exercice du pouvoir de Sankara et des témoignages des figures qui l’ont côtoyé et des personnages qu’il inspire à présent. Les témoignages ont été recueillis à travers des interviews réalisés en France et au Burkina Faso, avec des plans fixes et exemptés de questions, ce qui donne à voir des témoins qui s’expriment dans un cours naturel. De la jeunesse qu’il inspire aujourd’hui, le film a recueilli les témoignages des rappeurs français et burkinabé Yali Sankara et Smokey, de la jeune réalisatrice Liz Gomiz et de la jeune engagée Sibilla Ouedraogo. Parmi ses collaborateurs dans l’exercice de son pouvoir, le réalisateur est allé recueillir les témoignages de Fidel Kientéga, un conseiller de Sankara, Germaine Pitroipa, une gouvernante d’une province et Basile Guissou, membre du Conseil de la Révolution.

Les archives mobilisées permettent de voir Sankara dans l’exercice de son pouvoir et les combats d’avant-garde qu’il a menés (féminisme, écologie, altermondialisation…) et les causes auxquelles il s’est donné corps et âme (pauvreté, indépendance alimentaire, dette du tiers-monde, corruption, impérialisme…). En quelques années, le jeune président redonne de l’espoir à son peuple et lui insuffle la dynamique du développement!

Les scènes sympathiques et chaleureuses avec des lycéens montrent à quel point il était un président simple, authentique et proche de son peuple. Les séquences de ses discours montrent la pertinence et la force de ses propos dont la portée est désormais universelle. Ses punchlines en caractères gras ont ponctué le film rappelant la force de ses messages, tels que « La patrie ou la mort, nous vaincrons », « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous », etc.  Son discours historique sur la dette des pays africains à la 25ème Conférence de l’Organisation de l’Unité africaine, le 29 juillet 1987 à Addis-Abeba a marqué les esprits, mais il a révélé aussi combien les idées de Sankara dérangeaient les grands manitous de ce monde. Ses échanges avec Mitterrand à Ouagadougou déconcertaient l’ancien président français, qui voyait, désemparé, la menace des intérêts de la France dans l’ancienne colonie de Haute-Volta. Le jeune et rebelle président burkinabé n’allait pas vite en besogne, ce qui a précipité son assassinant ? Le procès de son assassinat a été finalement ouvert à Ouagadougou pour mettre la lumière sur les circonstances de sa mort, dont le principal accusé est Blaise Compaoré, chassé du pouvoir après l’insurrection d’octobre 2014.

Le réalisateur est retourné sur le lieu de l’assassinat de Sankara, les locaux du Conseil de l’Entente. Les scènes de ce lieu de mémoire, accompagnées du récit émouvant d’Alouna Traoré, le seul rescapé de ce drame, étaient des moments poignants de ce film, laissant planer, comme par enchantement, l’âme et l’esprit de Sankara !

Le film de Yohan Malka extirpe la mémoire de Sankara de l’oubli, d’un effacement délibéré et orchestré par Blaise Compaoré, son ami qui lui a succédé au pouvoir, et la présente à toute l’humanité, notamment la jeunesse s’inspirant aujourd’hui de ses idées qui étaient en avance sur son temps de plusieurs années.

Sofiane Idir

Read previous post:
Vues d’Afrique. Interview de l’actrice, scénariste, réalisatrice et productrice Fatoumata Kandé

Kandé Fatoumata est la Miss Guinée 2010. Passionnée de cinéma, elle se lance à la poursuite de son rêve à...

Close