Lorsque l’homme parle de l’âne c’est en terme général pour insulter ou diminuer la considération envers l’autre. Afin d’ébranler l’angle de vision quant à cette idée, Chawki Amari, journaliste et acteur a écrit l’âne mort. Cette œuvre qui a été publiée aux éditions Barzakh en 2014 a eu un tel succès qu’elle a été rééditée en 2020 aux éditions de l’observatoire.

L’animal qui suscite les interrogations :

Au moment où les trois amis attendent un commissaire en retraite au bord de sa piscine, ils s’amusent à pousser son âne Zambrek. En constatant qu’il s’est noyé, les trois protagonistes, Lyès, Mounir et Tissam emportent le cadavre dans le vieux break bleu et prennent la fuite. Du cœur des monts Djurdjura vers les montagnes kabyles ils espèrent trouver un endroit pour s’en débarrasser. Un âne mort dans la voiture trace le dilemme que vit l’homme entre la reconnaissance du geste qui est fait et le rejet. En d’autres termes l’âne transporte tout le poids mais une fois que le besoin a été assouvi, il devient l’animal qui symbolise la honte et l’humiliation. L’auteur écrit à la page 109 : « Plus lourd est le fardeau, plus notre vie est proche de la terre et plus elle est réelle et vraie ». En rendant hommage à Apulée qui en kabyle se dit Afulay, Amari Chawki parcourt l’histoire de l’homme et ses différentes facettes. Au creux de l’écriture circulaire, l’auteur pose multiples questionnements quant au rapprochement de la terre. Il estime que la paix se trouve souvent dans les descentes. Ce mouvement rappelle le principe de la gravitation qui, comme il l’explique, est très forte en Algérie : « Tout nous tire à terre, notre famille, nos voisins, notre gouvernement et nos traditions, à l’image du policier qui suspecte chacun et aplatit tout le monde au sol en attendant de voir »[1].

Les trois acolytes Lyès, Mounir et Tissam croisent sur leur chemin Izouzen, le libraire. Il collectionne aussi bien les livres que les sépultures de ses nombreuses épouses. Dans une écriture circulaire l’auteur fait un va et vient entre la narration et la philosophie véhiculée par l’aspect historique des événements.

L’âne transporté dans la voiture est-il réellement mort ? N’est-il pas le représentant de la transformation de l’homme selon les situations qui se présentent ? N’est-il pas l’image de la métamorphose qui surgit à un moment inattendu ? Comment un animal peut-il enseigner à l’homme les fondements de la philosophie ? C’est sur ces réflexions que repose l’œuvre de Chawki Amari.

L’âne mort de Chawki Amari est un roman qui ouvre la voie à des questionnements à caractère philosophique. Il revient au lecteur de se situer dans le temps et l’espace.

Lamia Bereksi Meddahi

[1] Chawki Amari, L’âne mort, Ed/de l’observatoire, 2020, p. 75.

By Lamia Bereksi Meddahi

Lamia Bereksi Meddahi est l’auteure de la première thèse de doctorat sur le dramaturge algérien Abdelkader Alloula. Elle a publié La famille disséminée, Ed/marsa, 2008, une pièce de théâtre Dialogues de sourds, Ed/L’harmattan, 2014. Elle enseigne à l’université Paris XII et se consacre à la littérature maghrébine ainsi que le théâtre dans le monde arabe. Depuis 2014, Lamia est membre de l’équipe éditoriale au journal L'initiative.

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