Sous le pseudonyme Xavier Le clerc, Hamid Ait Taleb l’auteur de De Grâce (2008) et Cent vingt francs (2021) a publié Un homme sans titre[1]. Ce roman rend hommage au père Mohand Saïd. Un homme certes très nerveux, père de neuf enfants a mené une vie partagée entre la France et l’Algérie. Il a travaillé en tant que manœuvre métallurgique de Normandie. L’auteur prend comme support d’analyse Misère de la Kabylie publié en 1939. Cette référence à Albert Camus est présente également dans Meursault contre-enquête de Kamel Daoud.
En prenant L’étranger l’auteur apporte une réponse fictive quant au sort de l’Arabe. Ce personnage qui n’a fait que subir retrouve le même sort dans l’œuvre Un homme sans titre. Il ne possède qu’un document lui permettant de voyager et de travailler. Il n’a pas de statut qui l’honore ou qui reconnait les efforts qu’il fournit pour s’en sortir. C’est dans ce sens que Xavier/Hamid est dans un dilemme permanent. Le pays qui adopte ou qui voit naître n’est que la résultante d’un déchirement.
Recherche de soi à travers le pays
Après l’indépendance, beaucoup d’algériens ont pris le chemin vers la France. La vie menée n’était que trime et souffrance. Souvent illettrés les immigrés travaillaient en tant qu’ouvriers. Le quotidien difficile ne laisse pas place à la révolte. L’unique occasion où les « étrangers » brillent c’est quand ils rentrent dans leur pays, comme l’écrit l’auteur à la page 61 : « Les voyages en Algérie donnaient à ma mère, comme à tant d’immigrés, l’occasion de briller. Une cour des miracles où les humiliés paradaient enfin ».
C’est à la page 108 que l’auteur parle de son désarroi en lien avec le nom hérité de son père : « J’avais hérité du nom de mon père qui n’était pas compatible avec un emploi qualifié. Est-ce qu’il y a des noms plus propres que d’autres ? ». L’absence des entretiens d’embauche a conduit l’auteur à changer d’identité pour devenir Xavier Le Clerc. Ce qui lui a valu non seulement des appels mais d’être embauché : « Une prestigieuse maison anglaise, qui avait bénéficié de mes services, m’offrit un poste de directeur en 2015 ». Le besoin de grandir provient souvent des situations où l’injustice règne. L’auteur a pris sa revanche en rendant hommage aux efforts d’un père en mal de vivre.
En s’attribuant un sobriquet il démontre que les qualifications dont font preuve les étrangers ne manquent pas. C’est le nom qui pose problème quant à l’embauche. Hamid Ait Taleb a réussi à s’imposer en sachant comment contrer cette réalité amère.
Lamia Bereksi Meddahi
[1] Xavier Le Clerc, Un homme sans titre, Ed/Gallimard. 2022, 124 pages